Visite Bush passe l'Atlantique à des fins pacifiquesLe président américain entame une tournée européenne de réconciliation par un séjour à Bruxelles et un dîner avec Jacques Chirac.Par Pascal RICHE lundi 21 février 2005 (Liberation - 06:00)Washington de notre correspondant ette semaine, pour le président George W. Bush, il ne s'agira pas de « pardonner aux Russes, ignorer les Allemands, punir les Français » selon la formule qui circulait à la Maison Blanche il y a deux ans , mais plutôt de dorloter les Français, câliner les Allemands et gronder gentiment les Russes pour leurs écarts par rapport à la démocratie et leur aide à la Syrie. Le président est arrivé hier à Bruxelles tout sourires et main tendue, déterminé à embarquer les Européens dans sa grande campagne pour la liberté. «L'Amérique et l'Europe sont les piliers du monde libre», a-t-il déclaré samedi dans son allocution radio hebdomadaire. «Les dirigeants des deux côtés de l'Atlantique comprennent que les espoirs pour la paix dans le monde dépendent de la poursuite de l'unité des nations libres. Nous n'acceptons pas la caricature mensongère qui divise le monde occidental entre des Etats-Unis idéalistes et une Europe cynique.»Pour le premier voyage à l'étranger de son second mandat, Bush a choisi de reconnaître l'importance de l'Union européenne il sera le premier président américain à visiter ses locaux et de passer du temps en compagnie des trois plus ardents opposants à la guerre en Irak : il doit dîner ce soir avec Jacques Chirac ; puis il se rend à Mayence, en Allemagne, où il rencontrera Gerhard Schröder ; et il terminera son voyage à Bratislava, en Slovaquie, où il a rendez-vous avec Vladimir Poutine. Il a préparé pour cette dernière étape un discours ciselé censé être «historique», dans lequel il soufflera une nouvelle fois sur le «feu de la liberté» qu'il se targue d'avoir allumé dans le monde.Scepticisme. En Europe, le changement de ton américain est observé avec un mélange d'intérêt et de scepticisme. La liste des désaccords ou des disputes potentielles reste longue, que ce soit sur les velléités atomiques de l'Iran (régime avec lequel les Etats-Unis ne veulent pas négocier), le Hezbollah (que la France ne veut pas inscrire sur la liste des organisations terroristes), le projet européen de lever l'embargo sur les ventes d'armes à la Chine, le conflit israélo-palestinien, la lutte contre le réchauffement du climat, le rôle des organisations multilatérales, la répression des crimes de guerre... Sur ces dossiers, les différences d'approche sont souvent anciennes et réelles : ce n'est pas avec quelques sourires qu'elles disparaîtront. «Les attentes concernant ce voyage sont extrêmement élevées, mais la probabilité pour que quelque chose de positif en ressorte est, franchement, extraordinairement basse», considère Ivo Daalder, un chercheur de la Brookings Institution.Verbe. Mais pour se réconcilier, il faut bien commencer par le verbe. Plusieurs facteurs se sont conjugués pour faciliter un ton plus amical entre les deux rives de l'Atlantique. D'abord, Bush a été reconduit, et les dirigeants européens savent qu'ils devront travailler avec lui pendant les quatre prochaines années. Ensuite, les élections en Irak, fin janvier, se sont bien déroulées. S'ajoute le succès des élections dans les territoires palestiniens ou en Ukraine : même si Bush n'y est pas pour grand-chose, cela lui permet de «vendre» plus facilement sa stratégie : faire avancer la démocratie pour faire avancer la paix. Le changement le plus important, dans le discours américain, concerne peut-être l'Europe. «L'administration semble avoir compris qu'elle a plus intérêt à avoir comme partenaire une Europe unie et forte plutôt qu'une Europe faible et divisée», commente Daalder. La ligne prônée par les durs de l'administration empêcher la puissance européenne d'émerger en opposant «Vieille Europe» et «Nouvelle Europe» ne l'a pas emporté.
