Annonce Bryan Sykes, professeur de génétique à Oxford, affirme dans "La malédiction d'Adam" que la disparition des mâles humains est programmée. C'est le résultat d'un guerre féroce qui se déroule dans nos gènes. Tel Patrick Juvet qui demandait, quasiment hystérique : "Où sont les femmes ?", on referme La malédiction d'Adam (1) avec l'envie de hurler sur le même ton : "Où vont les hommes ?". Car c'est bien de la disparition des mâles humains dont il est question dans l'ouvrage de Bryan Sykes, au sous-titre éloquent : "Un futur sans hommes".Ce professeur de génétique à l'université britannique d'Oxford avait déjà suscité la polémique en affirmant dans son précédent livre, Les sept filles d'Eve, que la population européenne descend de sept femmes préhistoriques (lire l'article : "Ta mère Tara la toscane"). Une conclusion basée sur l'étude de l'ADN mitochondrial (ADNm), qui est transmis de mère en fille, au fil des générations. Cavalerie mongoleCette fois-ci, le chercheur britannique s'est intéressé au chromosome Y, qui caractérise l'homme, et que les pères lèguent à leurs fils. C'est ainsi que le chromosome Y d'Attila le Hun, réputé pour ses conquêtes autant territoriales que féminines, se retrouve actuellement chez seize millions d'hommes ! Or, "le fracas de la cavalerie mongole sur les fleuves gelés de Russie, écrit le professeur Sykes, avait pour cause le tortillement aveugle du chromosome Y".Car, l'ADNm et le chromosome Y se livrent une guerre féroce, avance-t-il, chacun ayant intérêt à survivre et donc à privilégier la naissance de filles pour le premier et de garçons pour le second. "La meilleure manœuvre pour des chromosomes Y, c'est de s'associer à des hommes riches et puissants", souligne le scientifique qui revisite l'histoire de l'humanité à la lumière de cette lutte génétique. L'agriculture puis la sédentarisation ont entraîné "l'asservissement de la femme" et la multiplication des inégalités (en termes de sexe, de statut, de richesse…). "Cimetières de gènes" S'en suit une course folle au profit et au pouvoir qui "menace sérieusement la survie de l'espèce et de la planète", alerte Bryan Sykes. Paradoxalement, c'est le mâle humain qui est menacé. Dans beaucoup de pays, "la quantité des spermatozoïdes baisse à vue d'œil" tandis que l'infertilité masculine augmente, notamment à cause de la pollution sur Terre. Avec prudence, le professeur Sykes indique que l'homosexualité masculine pourrait être "un moyen pour l'ADNm de la mère de dominer aux dépens de son fils" ! Le chromosome Y, lui-même, est "un cimetière de gènes en putréfaction". La mutation qui lui a permis de s'orienter vers le développement masculin l'empêche désormais de guérir ses gènes endommagés. Lesquels deviennent de plus en plus malades. Sans être "en mesure de le prouver", le chercheur estime que "beaucoup d'espèces sont également menacées ou disparues pour les mêmes raisons". Une fois de plus, Bryan Sykes séduit par son analyse et ses hypothèses. Il lui arrive d'aller trop loin mais il est le premier à le reconnaître. Malgré quelques explications parfois pointues, le chercheur s'adresse d'abord au grand public. Ses propos sont clairs, son style enlevé. Sykes est un merveilleux conteur — la description de la mort de ses cellules, lors d'une expérience en laboratoire, arracherait presque des larmes aux yeux du lecteur — qui pratique aussi l'humour. "Regardez l'homme le plus proche de vous ou pensez à vos propres testicules, écrit Sykes, et imaginez les dégâts dont vos pantalons sont le théâtre" ! So british.(1) Bryan Sykes : La malédiction d'Adam, Albin Michel, 408 pages, 21,50€.
