Mort de Boris TaslitzkyRésistant
Mort Boris TaslitzkyRésistant, ancien déporté et militant du Parti communiste français, le peintre Boris Taslitzky est mort vendredi 9 décembre, à l'âge de 94 ans. Il était, avec André Fougeron (1913-1998), la dernière grande figure du réalisme socialiste, un des courants de la peinture après la seconde guerre mondiale.Né à Paris le 30 novembre 1911 de parents russes, Boris Taslitzky étudie à l'Ecole nationale des beaux-arts de Paris avant d'adhérer, en 1933, à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires, puis, en 1935, au Parti communiste.Fait prisonnier en juin 1940, il s'évade et s'engage dans la Résistance. Il est arrêté en novembre 1941 par les nazis. Le même mois, des artistes français, et non des moindres, participent à un voyage de propagande en Allemagne : Taslitzky, lui, est déporté à Buchenwald. Il survit à la détention et parvient même à sauvegarder un ensemble de plus de cent dessins réalisés dans le camp, dont un portrait du sociologue Maurice Halbwachs qui, lui, n'en reviendra pas.En février 1946, il est présent à l'exposition Art et Résistance, organisée par l'association des Amis des francs-tireurs et partisans français au Musée d'art moderne. La liste des participants, qui va d'Atlan à Vasarely, en passant par Bazaine, Giacometti, Herbin ou Picasso, témoigne encore d'un bel éclectisme, une union sacrée qui ne dure pas. En octobre 1946, en effet, le philosophe communiste Roger Garaudy publie dans la revue Arts de France un article intitulé "Artistes sans uniformes" qui nie l'existence d'une ligne esthétique du parti. Il s'attire une réponse de Louis Aragon, le 20 novembre, dans Les Lettres françaises. Titré "L'art zone libre ?", il affirme, fidèle à la doctrine des théoriciens soviétiques, que l'esthétique du Parti communiste est le réalisme.Le débat va diviser le monde de l'art parisien, mettant en porte à faux ceux des peintres abstraits qui se sentent proche du PCF. Pour Taslitzky et Fougeron, la cause est entendue : au Salon d'automne de 1948, ils présentent deux toiles dont les titres résument leurs préoccupations : le premier a choisi de travailler sur le thème des luttes syndicales (Les Délégués), le second sur le petit peuple et ses privations (Les Parisiennes au marché).OPPOSITION GRANDISSANTEL'année suivante, l'envoi de Taslitzky est intitulé : Le Four électrique dans une usine de locomotives... Et il précise sa ligne dans un texte publié par le journal Franc-Tireur : "C'est le parti qui a su indiquer aux artistes les seules voies du renouvellement possible de la peinture". Enfin, le 20 décembre 1949, à l'occasion du 70e anniversaire de Staline, Taslitzky lui offre une toile intitulée Police chargeant les travailleurs de Renault.Il peindra ainsi régulièrement de grands tableaux, toujours inspirés par l'actualité politique, et fidèles à la ligne de son parti. En 1950, il rend hommage à une militante (La Mort de Danielle Casanova). En 1951, la Fédération des mineurs lui achète le Portrait d'Henri Martin. La même année, la police décroche sept toiles lors du Salon d'automne, accusées de "porter atteinte au sentiment national". Parmi elles figure Riposte (Port-de-Bouc 1949) de Taslitzky, montrant des CRS lâchant des chiens sur des dockers en grève.En janvier 1952, il est envoyé par le parti en Algérie, pour y réaliser un reportage en peinture. Il en ramène plusieurs carnets de dessins. Et, en 1953, il expose Visite de Staline à Maurice Thorez malade... Mais le réalisme socialiste suscite une opposition grandissante des milieux intellectuels. André Breton publie une série d'articles sur le thème "Pourquoi nous cache-t-on la peinture russe contemporaine ?" qui s'achève, après une polémique avec Aragon, par le terrible : "Du réalisme socialiste comme moyen d'extermination morale".Taslitzky poursuit néanmoins dans la même voie, militant activement contre la guerre d'Algérie. Mais le parti assouplit peu à peu sa doctrine esthétique, et le revirement d'Aragon, qui cesse de soutenir Fougeron, sonne le glas du réalisme socialiste en France.Auteur d'un ensemble de nouvelles réunies sous le titre Tambour battant, et d'une autobiographie, Tu parles ! (réédités chez L'Harmattan en 2004), professeur de dessin à l'Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs de 1971 à 1980, Boris Taslitzky, peintre, était bien oublié, sinon de quelques rares historiens d'art, comme la Britannique Sarah Wilson, grâce à laquelle la Tate Modern de Londres montre plus de ses tableaux que le Centre Pompidou à Paris ! Et de son parti, qui lui avait organisé, avec l'Association des anciens déportés de Buchenwald-Dora et commandos, une rétrospective en septembre 2001, place du Colonel-Fabien.Mais lorsque l'Etat a remis à Boris Taslitzky, en 1997, les insignes de chevalier de la Légion d'honneur, c'était au titre de la Résistance et de la Déportation.