Interdiction Blondes et brunes n'ont plus la cote en Italie Bars, restos, lieux de travail... les fumeurs ne sont plus les bienvenus. Montre en main, le propriétaire du bar napolitain de la piazza Vanvitelli a attendu les douze coups de minuit. A minuit une, la nouvelle loi antitabac italienne faisait, hier, sa première victime : un jeune homme de 22 ans, accro à la cigarette. «Il ne voulait pas se rendre dans notre salle réservée aux fumeurs, a expliqué le gérant du bar. Alors j'ai été contraint d'appeler les forces de l'ordre.» Le coupable, pris en flagrant délit, devra payer une amende de 27 euros. Initialement prévu pour le 1er janvier, le tour de vis contre le tabagisme et ses quelque 14 millions de fidèles italiens est ainsi entré en vigueur hier avec une inhabituelle rigueur. Passé les fêtes du jour de l'an et de l'Epiphanie, le ministre de la Santé, Girolamo Sirchia, n'a admis aucune autre prorogation : il est désormais interdit dans toute la péninsule de fumer dans les lieux et transports publics, les bars, les restaurants, les discothèques mais aussi sur tous les lieux de travail, publics comme privés, s'ils ne disposent d'espaces réservés avec des normes de ventilation et d'imperméabilité extrêmement rigoureuses. Or, selon l'Association professionnelle des cafetiers et restaurateurs Fipe, seuls 5 % à 6 % des établissements disposent aujourd'hui de salles séparées pour les fumeurs (et 1 sur 1 800 à Palerme). Balance. Dès dimanche soir, dans le quartier romain de Trastevere, quelques petites troupes de partisans du ministre Sirchia faisaient la chasse aux fumeurs à l'aide de pistolets à eau. Pour les tabagistes impénitents, la punition risque de faire beaucoup plus mal. De 27 euros, tarif de base, la contravention pour une cigarette allumée au comptoir au moment de l'espresso peut monter jusqu'à 275 euros et doubler si le délit intervient en présence d'enfants ou de femmes enceintes. Mais les propriétaires des lieux publics sont aussi en ligne de mire. Priés d'inviter leurs clients à éteindre leur cigarette dans les espaces non fumeurs, les tenanciers devront à l'avenir dénoncer les réfractaires à la police sous peine d'être à leur tour victimes d'amende allant jusqu'à 2 200 euros. Un préfet particulièrement allergique au tabac pourra même ordonner la fermeture des bars, pubs ou discothèques enfreignant la loi, pour une période de trois mois. La mesure a suscité l'ire de certains commerçants, qui refusent de se transformer en balance de leurs propres clients. En règle générale, la mesure semblait hier bien suivie. Face au temple d'Hadrien, qui abrite la Bourse de Rome, Marcello, un vieux monsieur élégant, porte-cigarettes aux lèvres, s'est résigné. Devant son bar habituel, dans un rayon de soleil hivernal, il inspire longuement : «J'ai commencé à fumer à l'intérieur, j'ai tenté ma chance. Mais on m'a gentiment demandé de sortir. Patience...» En fait, nombre de fumeurs espèrent qu'une fois la vague de la nouveauté passée le traditionnel pragmatisme italien reprendra ses droits et que la tolérance zéro s'assouplira de quelques décimales. Délai de grâce. Les associations de commerçants ont annoncé de multiples recours en justice. Les irréductibles de la cigarette espèrent un délai de grâce le temps que les établissements s'équipent de salles fumeurs et comptent sur le soutien de certains responsables politiques. A commencer par le ministre de la Défense, Antonio Martino, qui a publiquement affirmé : «Moi à table, je veux pouvoir fumer (...) allumer ou non une cigarette, c'est une question de liberté.» De son côté, Girolamo Sirchia a mis en garde : «Après une phase de deux à trois mois visant à éduquer les fumeurs rebelles, sans leur infliger d'amendes, la loi sera appliquée avec sévérité.»