Mort de Bernard Delvaille
Mort Bernard Delvaille, poète et critiqueLe poète et critique Bernard Delvaille a été retrouvé mort mardi 18 avril à Venise où il était en villégiature. Agé de 75 ans, il semble avoir succombé à une hémorragie digestive.Né à Bordeaux - ville à laquelle il consacra un beau livre (Champ Vallon, 1985) - en décembre 1931, il était l'un des meilleurs spécialistes de la poésie française, passée mais aussi présente.Auteur notamment d'une anthologie de La Poésie symboliste (Seghers, 1971, rééditée en poche à la Table Ronde en 2003), d'une autre sur La Nouvelle poésie française (Seghers, 1974) et de Mille et cent ans de poésie française (Robert Laffont, "Bouquins", 1991), il avait dirigé durant une trentaine d'années la célèbre collection "Poètes d'aujourd'hui" chez Seghers à partir de 1970.D'abord journaliste et critique à Combat, il collabora régulièrement au Magazine littéraire et au Figaro littéraire ; il siégea également aux jurys de plusieurs prix littéraires.Homme raffiné et de grande culture, Bernard Delvaille est lui-même auteur d'une oeuvre poétique abondante qui manifeste une grande aisance formelle (du vers libre à l'alexandrin et au poème en prose) en même temps qu'une inspiration lyrique, vagabonde et mélancolique, dans l'esprit de celui qui fut l'un de ses grands modèles, Valery Larbaud - auquel il consacra une étude (Essai sur Valery Larbaud, Seghers, 1963).RENCONTRES, VOYAGES, ERRANCEComme l'auteur de Barnabooth, Delvaille aimait les villes - d'Amsterdam à Venise, de New York à Londres (Londres, Champ Vallon, 1983) et Rome -, les trains et les bateaux, les hôtels, les bars, les séductions furtives et les rencontres sans lendemain. Paul Morand, qu'il connut, fut son autre grande référence littéraire.Ses poèmes disent l'immense nostalgie d'un bonheur tellement ancien qu'il semble inaccessible dans le présent. Son premier livre de poèmes, Blues, date de 1951. Vinrent ensuite : Train de vie, 1955 ; Tout objet aimé est le centre d'un paradis, 1958 ; Désordre, 1967 ; La Dernière légende lyrique, 1979... En 1983, il avait rassemblé ses Poèmes 1951-1981 (Seghers) et, en janvier de cette année, un choix important de son Œuvre poétique (La Table Ronde), qui prend aujourd'hui une valeur émouvante de testament poétique.En dehors de la poésie, Bernard Delvaille publia, toujours chez Seghers, des études sur Coleridge (1963), Paul Morand (1966) et Théophile Gautier (1968). En 1971, chez Gallimard, La Saison perdue, fut son seul roman, un récit d'exil outre-Atlantique. Enfin, en 2000, 2001 et 2003, Delvaille avait publié trois volumes de son journal couvrant cinquante années (1949-1999).Ces pages, de lectures, de rencontres, de voyages et d'errance ont cette qualité d'éviter, grâce à une sorte de lyrisme sec, l'apitoiement sur soi-même et même, autant qu'il se peut, la complaisance narcissique.Dans les dernières pages, lorsque s'achève le XXe siècle, Bernard Delvaille est à Venise, "ville des êtres solitaires, qui caressent de la main, tel un visage, le parapet des ponts, se donnant l'illusion de suspendre le temps..."