Diffusion Ben Laden fait le tour des conflits La chaîne qatarie Al-Jezira a rentransmis dimanche un message du leader d'Al-Qaeda. par Christophe AYAD et Jean-Pierre PERRIN QUOTIDIEN : mardi 25 avril 2006 Le Darfour, la Palestine, le Danemark à cause des caricatures de Mahomet... Oussama ben Laden, qui était resté silencieux depuis le 19 janvier, est décidément avide de récupérer toutes les colères du monde musulman. Dans un message audiodiffusé dimanche par la chaîne Al-Jezira et authentifié par les services secrets américains, le chef d'Al-Qaeda a ainsi évoqué la Palestine. «Boycottage». Il s'en est pris à l'Union européenne et aux Etats-Unis, qui ont suspendu une partie de leur aide en raison de l'arrivée des islamistes au gouvernement : «Leur rejet du Hamas après sa victoire aux élections [...] confirme que leur guerre est une guerre de croisés et de sionistes contre les musulmans.» Dénonçant ensuite les caricatures de Mahomet, il a appelé les musulmans à «poursuivre leur campagne de soutien au Prophète en élargissant le boycottage aux Etats-Unis et aux pays européens qui se sont solidarisés avec le Danemark» et a demandé «que ceux qui ont nui au Prophète soient remis à Al-Qaeda». Selon Al-Jezira, qui n'a pas diffusé cette partie du message, le chef islamiste s'en est pris également au roi Abdallah d'Arabie Saoudite, critiquant sa dénégation de l'idée d'un choc entre les civilisations occidentales et musulmanes et «ses énormes tromperies». L'ONU n'a pas non plus été épargnée : «C'est un organisme infidèle, et quiconque en accepte les résolutions devient un infidèle. Un instrument de mise en oeuvre de résolutions croisées-sionistes.» Même la France a été fustigée en raison de son attitude à l'égard du «hedjab» (voile) et de sa «sévérité excessive dans le traitement qu'elle réserve aux communautés musulmanes» vivant sur son territoire. Comme à chaque intervention de Ben Laden, se pose la question de ses intentions. Cette fois, il s'agit de conserver son rôle de leader et d'élargir le front du jihad en essayant d'instrumentaliser tous les conflits où des musulmans sont impliqués. «Il est évident que vos avions et vos chars détruisent les maisons qui abritent nos frères et leurs enfants en Palestine, en Irak, en Afghanistan, en Tchétchénie et au Pakistan», a-t-il affirmé à l'intention des dirigeants occidentaux. L'irruption de Ben Laden dans le complexe dossier du Darfour n'est pas l'aspect le moins surprenant de sa diatribe. Il a appelé «les moudjahidines et leurs partisans au Soudan [...] à se préparer avec tout ce qui est nécessaire à une guerre de longue durée contre les voleurs croisés dans l'ouest du Soudan». Or ce conflit oppose depuis trois ans le gouvernement islamiste, appuyé par des milices arabes, à une guérilla locale africaine et musulmane. De fait, il n'y a que des musulmans au Darfour ! En évoquant les «croisés» au Darfour, Ben Laden vise la prochaine mission de maintien de la paix de l'ONU, censée remplacer celle, totalement inefficace, de l'Union africaine. Les rebelles du Darfour, comme le gouvernement soudanais, qui avait pourtant hébergé Ben Laden de 1992 à 1996, se sont empressés de prendre leurs distances avec le chef d'Al-Qaeda. Même réaction, d'ailleurs, du Hamas palestinien. Pressions. Ces déclarations interviennent aussi à un moment où Al-Qaeda semble confronté à des conflits internes et où des pressions militaires s'intensifient à la frontière pakistano-afghane, comme le montre la mort, dans un bombardement en Afghanistan, de Houssam Abou Bakr, à la fois gendre du numéro 2 d'Al-Qaeda, Ayman al-Zawahiri, et, selon sa famille, l'un «des principaux gardes du corps» de Ben Laden.