Mort de Batya Gour

Mort Batya Gour, écrivaine israélienne L'écrivaine israélienne Batya Gour est morte jeudi 19 mai, à Jérusalem, d'un cancer. Elle était âgée de 57 ans. Longtemps, Batya Gour, née Mann, fut professeur de littérature. Ce n'est que tardivement, à l'approche de la quarantaine, qu'elle se mit à l'écriture, donnant naissance au personnage du flic de Michaël Ohayon dans Le Meurtre du samedi matin, premier roman, paru en 1988 en Israël (Fayard, 1993) et qui valut un succès immédiat à son auteur. Policier fétiche de six romans, Michaël Ohayon est de la même trempe que celle qui l'avait créé. "Comme moi, c'est quelqu'un qui évolue lentement et laborieusement jusqu'à ce qu'il trouve sa place", disait-elle en parlant de son héros. "Je suis Michaël Ohayon dans le corps d'une femme", se plaisait-elle à souligner. Batya Gour décrivait son policier préféré comme dur en apparence, mais doux et sensible à l'intérieur. Si l'auteur faisait ainsi son autoportrait, elle brossait du même coup celui d'un tempérament israélien peu enclin aux moeurs policées. Ce n'est pas pour rien que les natifs du pays s'appellent des "sabras", terme hébreu qui désigne la figue de Barbarie, fruit d'un cactus, dont la chair est aussi douce que son écorce est piquante. Mais la créature n'était pas pour autant une réplique de l'auteur. Bien au contraire. Batya Gour, née en 1948 de parents ashkénazes rescapés de la Shoah, avait justement décidé que son héros serait d'origine séfarade. Michaël Ohayon est marocain d'origine, une population immigrée en Israël dans les années 1960. RÉHABILITER LES SÉFARADES Une réalité que Batya Gour découvre pendant son service militaire passé à Ofakim, une ville de développement au sud du pays, bien loin des milieux que fréquentait la jeune Batya à Tel-Aviv ou à Ramat Gan, ceux mêmes que les Israéliens qualifient d'"aristocratiques". Pourtant, Batya Gour avait un jour déclaré : "Je n'ai jamais eu le sentiment que j'étais le sel de la terre, en dépit du fait que je suis née ici et que j'ai fréquenté les groupes de jeunes scouts." Pour Ziva Avran, spécialiste de littérature israélienne au département hébraïque de l'université Lille-III, "choisir un héros séfarade était, pour elle, un moyen de valoriser cette population, longtemps négligée et méprisée par les classes dirigeantes. Elle savait révéler les fractures de la société, mais on sentait toujours l'amour qu'elle avait pour son pays." Sa plus grande victoire est sans doute d'avoir "rendu ses lettres de noblesse au roman policier dans la littérature israélienne", ajoute Mme Avran. Même si, à chaque fois, l'intrigue policière n'était qu'un prétexte à décrire la société israélienne ou plutôt des micro-sociétés à l'intérieur du pays, qu'il s'agisse notamment de Meurtre au kibboutz, Meurtre au philharmonique, Meurtre à l'université, tous traduits en français et publiés chez Fayard. "Rien de la réalité israélienne n'échappait à son regard : la discrimination ethnique, la pauvreté, le chômage, les nouveaux immigrants", précise Shiri Lev-Hari dans le quotidien Haaretz, auquel Batya Gour collaborait comme critique littéraire depuis 1988. A son grand regret, ses autres livres, essais ou romans, ont eu moins de succès en Israël.