Annonce Battisti: un pas vers la prison à vieContre la jurisprudence française, la cour d'appel a rendu hier un «avis favorable» à l'extradition de l'écrivain italien, qui se pourvoit en cassation Cesare Battisti ne semble voir personne, ne pas entendre les cris de ses amis et soutiens qui fusent de toute part dans la salle bondée : «C'est très grave !», «C'est une honte !», «Il n'y a pas de séparation des pouvoirs !». La cour d'appel vient de lui signifier qu'elle est favorable à son extradition vers les prisons italiennes. Pour une condamnation à la perpétuité. Egaré, Cesare Battisti s'avance vers la sortie principale. Ses deux avocats le tirent vers une porte latérale pour le soustraire à la haie de micros et de caméras. Sur un banc, sa compagne s'effondre : «C'est pas légitime.»Pendant plus d'une heure, une centaine de membres de son comité de soutien ont piétiné devant la salle où allait se jouer le sort de l'ex-activiste reconverti dans l'écriture de polars (lire ci-contre). Après une nuit blanche, des échanges de messages et des coups de fils en pagaille, ils attendaient un non définitif à l'extradition. En quelques phrases, les magistrats ont transformé leurs espoirs en tristesse et colère.Larmes. Devant le Palais de justice, chacun est cramponné à son portable. Première sonnerie. «Favorable.» «C'est quoi ces conneries?», s'affole quelqu'un. «Favorable à qui ? A Battisti ? On a gagné ?» Deux minutes plus tard, Jacques Bravo, maire PS du IXe arrondissement, arrive, le visage défait, Pénélope Komitès (les Verts) pleure. Ils enlacent Fred Vargas en larmes. L'historienne, auteure de polars, a travaillé nuit et jour pour écrire son livre, la Vérité sur Cesare Battisti, et se démène depuis des mois pour soutenir l'écrivain italien. Beaucoup d'écrivains sont là, d'ailleurs. Dan Franck, Daniel Pennac, qui explique: «Les réfugiés deviennent des otages négociés, commercialisés. Il y a vingt ans, ça arrangeait bien l'Italie : ils étaient quelque part, sans armes. Voilà, il n'y a plus de refuge possible nulle part, cela peut en enchanter certains, moi cela me navre !» Guy Bedos est «malheureux»: «Le gouvernement vient de se déshonorer en faisant un cadeau à Berlusconi. Un cadeau de ministre à ministre.» L'écrivain Jean-Pierre Bastid hurle à «la honte» et s'allonge avec d'autres sur la chaussée, qui psalmodient «le droit d'asile est mort». Des caméras s'approchent: «Foutez le camp, TF1 ! Pourris !» Juché sur une balustrade, Oreste Scalzone, l'un des premiers «réfugiés»: «On a plus que la rage, plus que de la peine, je vois des larmes, il ne faut pas en avoir honte.» Des gens chantent, poing levé avec Dominique Grange et Lola Lafon.Cesare Battisti, lui, est sorti discrètement du palais avec ses avocats. Mes Irène Terrel et Jean-Jacques de Felice ont tout de suite annoncé le pourvoi en cassation de leur client. Ce qui suspend la procédure. Selon eux, Norbert Gurtner, Renée Civalero, Michèle Bernard-Requin (l'héroïne du dernier film de Depardon, Instants d'audience), les trois magistrats de la chambre de l'instruction, «ont rendu sur ordre une décision politique qui déshonore nos institutions et les principes d'un Etat de droit», ajoutant: «Treize ans plus tard et après deux refus d'extradition du même Cesare Battisti intervenus le 29 mai 1991 devant la même cour d'appel de Paris, ce qui était juridiquement inconcevable s'est produit.»Indignation. Hier soir, tous les partis de gauche (PS, PC, Verts, LCR) se sont indignés de la décision de la cour. Certains en appellent à Jacques Chirac. Et, au nom du PS, Julien Dray déclare : «La décision de la cour d'appel est une décision malheureuse : elle rouvre les plaies qui avaient vocation à se cicatriser, car tel était le sens de la jurisprudence mise en place par Mitterrand et respectée depuis dix ans par tous les gouvernements successifs.»Cesare Battisti n'est pas encore en Italie. Si son pourvoi en cassation était rejeté et le décret d'extradition signé, comme l'a déjà annoncé le garde des Sceaux, il resterait encore, le recours au Conseil d'Etat. En tout quelques mois de procédure. Mais, sur la liste remise par le ministre de la Justice italien à Dominique Perben, figurent quatre autres noms. Des hommes et des femmes qui vivent en France depuis plus de vingt ans, y travaillent et y ont fondé une famille.
