Annonce Avec Galileo, l'Europe veut damer le pion au GPS américainC'est une étape déterminante dans un long parcours d'obstacles diplomatico-industriels. L'offre conjointe des deux consortiums auparavant en compétition Eurely et iNavSat a été retenue, lundi 27 juin à Bruxelles, pour assurer la concession de Galileo, le système européen de radionavigation par satellites, censé devenir opérationnel en 2010 après le déploiement de trente satellites.Les 25 Etats membres de l'Union européenne, la Commission européenne et l'Agence spatiale européenne (ASE) ont entériné le choix effectué par l'entreprise commune Galileo, implantée à Bruxelles, pour mener à bien la conception du projet. Le consortium iNavSat est piloté par le groupe européen d'aéronautique EADS, le fabricant français d'électronique et de système de défense Thales, et Inmarsat, fournisseur britannique de services de communication mobile par satellites. Eurely, lui, est constitué du français Alcatel, de l'italien Finmeccanica et de l'espagnol Hispasat. "L'offre conjointe contient des améliorations substantielles, comparée aux offres séparées qui étaient sur la table" , s'est réjoui le commissaire européen au transport, Jacques Barrot. Le contrat définitif devrait être signé d'ici à la fin de l'année. Les ultimes négociations devraient se faire sous la pression de l'Allemagne, qui a longtemps menacé de ne pas soutenir l'offre commune, si elle ne bénéficiait pas de retombées industrielles à la hauteur de sa contribution financière au projet. "Nous demeurons intransigeants dans notre exigence d'un bénéfice industriel convenable, pour l'Allemagne, de la mise en place à l'exploitation de Galileo" , a averti le ministre des transports allemand, Manfred Stolpe.L'attitude de Berlin donne une idée de la bataille qui a eu lieu dans les coulisses depuis des mois. Bien avant le choix du concessionnaire, la mise en chantier de Galileo a donné lieu à de rudes affrontements entre les Etats membres : les Britanniques ne voulaient pas d'un concurrent au GPS, alors que les Français, soutenus par les Allemands, rêvaient d'étendre la politique spatiale européenne à ce secteur sensible. En février encore, les autorités européennes avaient été incapables de départager les deux offres concurrentes, pour des raisons tant techniques que diplomatiques. Elles avaient alors incité les deux consortiums à joindre leurs forces.Eurely a, dès le début, bénéficié du soutien de l'Italie et de l'Espagne. La France affirmait vouloir rester neutre, du fait de la rivalité entre Thales et Alcatel, et souhaitait voir les candidats en lice coopérer. En face, l'Allemagne a pris fait et cause pour iNavSat afin de ménager les intérêts d'EADS.Selon ses rivaux, iNavSat aurait bénéficié, dans un premier temps, des faveurs de l'entreprise commune Galileo. Afin de calmer le jeu, la composition de cet organe, présidé par l'allemand Rainer Grohe, a été modifiée. Deux observateurs Karel van Miert, l'ex-commissaire aux transports puis à la concurrence, et Roger-Maurice Bonnet, ancien directeur scientifique de l'ESA ont été désignés pour garantir l'impartialité du choix.Les divergences au sein de l'Union apaisées, il a fallu vaincre l'opposition américaine : un accord d'interopérabilité et de coopération avec le GPS a été signé en juin 2004, en marge d'un sommet entre les Etats-Unis et l'Union européenne.Aux yeux des responsables européens, l'enjeu est énorme. D'après M. Barrot, Galileo est "le premier grand projet industriel mené par l'Union européenne" . C'est aussi le "premier système civil" de radionavigation, concurrent du GPS américain, à la vocation plus militaire. Galileo est, se félicite M. Barrot, "susceptible de constituer la pre mière infrastructure stratégique" sous contrôle de l'Union européenne.Le programme permettrait, selon ses promoteurs, de créer 150 000 emplois. Une hypothèse haute : "Il est encore trop tôt pour dire où seront générés ces postes, tout va dépendre du niveau des revenus en phase d'exploitation" , pondère un expert. Le système européen offrira cinq signaux : l'un sera gratuit et consacré aux particuliers, un autre offrira des services payants pour les professionnels, un troisième sera crypté et réservé aux administrations...Les architectes du système rêvent d'en faire une référence en matière de cofinancement entre le public et le privé, au moment où les Vingt-Cinq veulent s'appuyer sur ces partenariats pour développer leurs infrastructures : les deux consortiums devront financer les deux tiers des coûts de déploiement, estimés à quelque 2,3 milliards d'euros au total. La mise en commun des deux offres permettrait de réduire de 20 % le financement public.La constellation de 30 satellites - un premier appareil de test sera lancé au mois de décembre, par une fusée russe Soyouz - devrait être complètement opérationnelle à partir de 2010. Galileo tentera de se faire une place sur un marché jugé prometteur par les Européens. Afin de développer une gamme de services attrayante, chaque consortium a commencé à nouer des alliances avec les opérateurs, comme la compagnie ferroviaire allemande Deutsche Bahn, ou le groupe de télécoms suédois Ericsson pour iNavSat.Selon les experts, le chiffre d'affaires global généré par les services de positionnement par satellite a doublé entre 2002 et 2003, pour atteindre 20 milliards d'euros. Il pourrait approcher, selon les études les plus optimistes, les 300 milliards d'euros vers 2020. Avec Galileo, l'Union européenne espère, à terme, contrôler la moitié de ce pactole.
