Annonce Automobile. Le titre de champion du monde remporté par Renault reflète le poids grandissant de constructeurs en quête d'image et de retombées commerciales. La Formule 1 prend de nouvelles marques Un titre de champion de monde de Formule 1, combien de véhicules écoulés ? Après le titre constructeurs remporté par Renault, hier à Shanghai à l'issue du dernier Grand Prix de la saison, les dirigeants de la marque française n'ont pas manqué de dégainer leurs calculettes. Président de Renault F1, Patrick Faure évoquait «un week-end parfait pour l'équipe» et aussi «un grand moment de l'histoire de Renault». Certes, la marque au losange, cinquième budget de F1, remporte le premier sacre de son histoire en tant qu'écurie (lire ci-contre) et s'offre le luxe de détrôner Ferrari, invaincue depuis 1999. Mais l'essentiel se situe ailleurs : du côté des concessions et des showrooms, où les commerciaux de la marque chercheront dès aujourd'hui à engranger les dividendes de cette victoire. Pas du genre à se payer une danseuse pour le plaisir, le nouveau PDG Carlos Ghosn avait prévenu à l'occasion du Grand Prix de France en juillet, deux mois après son intronisation à la tête de Renault : «Nous ne sommes pas en F1 par habitude ou par tradition. C'est un investissement, et il faut savoir exploiter les résultats. [...] La question est de savoir comment transformer le show technique en succès commercial pour Renault.» Passage obligé. Convertir en cash le prestige conquis sur les circuits : l'équation fait saliver tous les grands constructeurs. Alain Rizzo, directeur associé du cabinet Lincoln Executive and Automotive, résume : «La F1 est un passage obligé pour les grandes marques en recherche d'image.» Lesquelles y dépensent sans compter. Ou presque. A l'exception de Ferrari, propriété du groupe Fiat Automobile et présente depuis 1950, les cinq écuries de F1 les plus riches sont soutenues par des constructeurs généralistes : Toyota, Renault, Honda avec BAR, BMW avec Williams ou Mercedes avec McMaren. Le plus grand secret entoure leurs investissements. Mais ils lâcheraient chacun entre 250 et 350 millions de dollars par an pour s'afficher, tous les quinze jours, sur les circuits de la planète. La tendance est à l'accélération. Si Toyota, deuxième constructeur mondial, s'est engagé sous son propre nom dès 2002, d'autres constructeurs se contentaient jusqu'ici de fournir des moteurs. Ils entendent désormais courir sous leurs couleurs. Renault, en 2002, avait ainsi racheté l'écurie Benetton. En juin dernier, l'Allemand BMW (qui quitte Williams) a pris le contrôle de l'équipe suisse Sauber pour monter une écurie à son nom : «La plate-forme idéale pour démontrer notre compétence en tant que constructeur automobile», assurait Burkhard Göschel, directeur du développement de BMW. Le dernier épisode s'est joué il y a quelques jours avec le Japonais Honda, qui va faire main basse sur la totalité du capital de l'écurie BAR. Seuls grands absents : Volkswagen et les Américains, comme General Motors ou Ford, qui a jeté l'éponge l'an passé, laissant tomber son écurie Jaguar. Trop chère pour aucun résultat... «Si les constructeurs ne mesuraient pas l'effet heureux d'une victoire en F1 sur leurs courbes de vente, diagnostique Alain Rizzo, ils auraient depuis longtemps fait une croix sur ces budgets colossaux.» Dix-neuf courses disputées aux quatre coins du monde tous les quinze jours, et suivies par des millions de téléspectateurs : l'exposition que procure la F1, et a fortiori une victoire, n'a pas d'équivalent. «La F1 est un fabuleux vecteur de communication, et chaque victoire a un impact sur la qualité de notre image, pavoise Jean-François Caubet, responsable marketing de l'écurie Renault. Le lundi matin, le vendeur parle de la victoire de la veille à son client.» Pas sûr, pourtant, que ce dernier soit convaincu. «Que les équipes de vente, poussées par la direction commerciale, utilisent l'argument, c'est de bonne guerre, poursuit Alain Rizzo. Mais en F1 on parle de performance, de vitesse. Or aujourd'hui le client veut du confort, de la sécurité.» Pays émergents. Les constructeurs voient désormais plus loin que leurs marchés domestiques, où les positions des uns et des autres sont assez figées. L'objectif est de se faire remarquer sur les marchés à fortes perspectives de croissance. D'où l'intérêt de Grands Prix comme ceux du Brésil, de Bahreïn ou de Turquie. Et bien sûr celui de Chine, gagné par l'écurie française. «Renault, un jour, va s'introduire en Chine, assure-t-on chez le constructeur. Et gagner le titre mondial ici, où Renault n'est pas connu, devant 50 à 70 millions de téléspectateurs, ça va avoir un impact incroyable.» Reste à savoir quand. Et, surtout, à le convertir en ventes.