Élection Au Togo, l'élection du fils Eyadéma a entraîné émeutes et répression. Le verdict des urnes enflamme les rues de Lomé L'ordre régnait, hier soir, à Lomé. Du moins provisoirement. Après plusieurs heures d'émeutes, les forces de sécurité ont repris le contrôle des grands axes goudronnés de la capitale du Togo. Les troubles ont éclaté dès la proclamation des résultats de la présidentielle de dimanche. A la mi-journée, la commission électorale a indiqué que Faure Gnassingbé, le candidat du régime, l'avait emporté avec 60,22 % des suffrages. Son principal rival de l'opposition radicale, Emmanuel Bob Akitani, est crédité d'un peu plus de 38 % des voix. Deux autres candidats ont obtenu des scores dérisoires. Des fraudes massives avaient entaché le scrutin. Dès la nouvelle diffusée par la radio nationale, les sympathisants de l'opposition sont descendus par milliers dans les rues. Ils ont érigé des barricades et déchaussé les pavés. Des pneus ont été incendiés, dégageant d'épaisses fumées noires dans le ciel de Lomé. Les adversaires du régime avaient, à l'avance, prévenu qu'ils refuseraient de reconnaître l'élection du fils du général Eyadéma, décédé le 5 février après trente-huit années passées à la tête du pouvoir. Ils ont tenu parole. Destination inconnue. A pied ou à bord de pick-up munis de mitrailleuses, gendarmes et soldats ont rapidement quadrillé la ville. Appréhendés, les mutins étaient immédiatement roués de coups et embarqués vers une destination inconnue. Les forces de l'ordre sont également intervenues à de multiples reprises pour exfiltrer des Français attaqués par la foule en colère qui les accuse d'être les complices du régime. Plusieurs domiciles ont été pillés autour du lycée français et au moins un restaurant a été détruit. Hier soir, aucune victime n'était à déplorer, mais les forces françaises déployées à Dakar et à Abidjan sont prêtes à intervenir. Au-delà des 3 000 Français présents au Togo, essentiellement à Lomé, ce sont tous les Blancs qui sont désormais menacés. Des dizaines de familles libanaises ont trouvé refuge dans un hôtel de bord de mer. En larmes, Hassan n'a dû son salut qu'à l'aide de voisins togolais qui ont protégé sa femme et ses quatre enfants de la foule munie de machettes et de gourdins, en attendant l'arrivée des forces de l'ordre. «Je n'ai même pas eu le temps de fermer ma porte», raconte-t-il. Dans la journée, Faure Gnassingbé a réitéré sa volonté d'oeuvrer à la réconciliation en formant un gouvernement d'union nationale. La veille, un accord en ce sens semblait avoir été trouvé lors d'une réunion de conciliation organisée à Abuja, au Nigeria, sous l'égide de l'Union africaine. Mais il semble désormais mort-né. «Nous n'accepterons jamais un tel résultat !», s'est écrié Jean-Pierre Fabre, l'un des principaux responsables de l'opposition, qui accuse la France d'avoir «instrumentalisé» la communauté internationale. A Paris, alors que le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, avait jugé lundi «globalement satisfaisantes» les conditions de déroulement du scrutin, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme et le Parti socialiste ont condamné, hier, l'attitude des autorités françaises. Parachutistes. Hier soir, le climat restait extrêmement tendu à Lomé. Les militaires ne se risquaient pas dans les ruelles sablonneuses des quartiers acquis à l'opposition. Près du centre, des jeunes exhibant des blessures aux jambes et aux bras interpellaient les journalistes : «Venez ! Venez voir comment ils nous ont battus.» Aussitôt, des hommes en civil, apparemment à la solde du pouvoir, empêchaient les reporters étrangers de pénétrer dans les cours, où de nombreux blessés se cacheraient. Les opposants disaient redouter l'arrivée imminente des troupes parachutistes, à la faveur de la nuit. Le nord de la capitale présentait, lui, un tout autre visage. Près du siège du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple togolais, des milliers de jeunes portant des tee-shirts à l'effigie de Faure Gnassingbé fêtaient bruyamment leur victoire. A bord de dizaines de camions, ils circulaient dans les rues, munis de bâtons et de machettes. La veille, ils avaient été convoyés depuis le nord du pays, fief du clan Eyadéma, pour manifester leur soutien au régime. En prévision d'une victoire qui ne pouvait pas échapper à leur candidat.