Annonce Au Sri Lanka, l'armée bombarde les positions des Tigres après un attentat contre son chef Dans une escalade sans précédent depuis l'établissement d'un cessez-le-feu en février 2002, l'armée de l'air et la marine sri-lankaises ont continué, mercredi 26 avril, à bombarder les positions des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), en réponse à un attentat-suicide qui a sérieusement blessé le chef de l'armée, le général Sarath Fonseka. Une "patrie" tamoule, objectif du LTTE Dirigé autoritairement par Velupillai Prabhakaran, le LTTE (Tigres de libération de l'Eelam tamoul), qui a éliminé par les armes tous ses rivaux tamouls, combat depuis 1983 pour la création d'une "patrie" pour la minorité tamoule du Sri Lanka. Installée surtout dans le nord et l'est de l'île, celle-ci représente 18 % des 20 millions de Sri-Lankais, en majorité cinghalais. Les Tamouls sont hindous ou chrétiens, alors que la majorité des Cinghalais sont bouddhistes. Le Sri Lanka compte aussi une minorité musulmane d'environ 8 % de la population, installée majoritairement dans l'est du pays et qui ne veut pas être soumise à la loi du LTTE dans tout règlement du conflit. Le LTTE occupe pour l'instant une bande de territoire dans le nord de l'île, où il exerce un contrôle absolu sur la population. Le LTTE justifie son combat en accusant le gouvernement à majorité cinghalaise de discrimination envers la minorité tamoule. Depuis février 2002, une paix précaire régnait au Sri Lanka, mais aucune négociation de fond sur le règlement du conflit n'a eu lieu depuis 2003. [-] fermer Le gouvernement a accusé les Tigres d'avoir commandité l'attentat, commis mardi par une femme qui s'est fait exploser devant le convoi du général, à l'intérieur du QG de l'armée sri-lankaise, en plein centre de Colombo, la capitale du pays. Pour pénétrer dans cette zone placée sous haute sécurité, la jeune femme, qui s'est prétendue enceinte, aurait profité de l'heure des visites aux malades à l'hôpital militaire situé dans le quartier général de l'armée. Huit personnes, dont quatre gardes du corps du général, ont été tuées, alors que le chef de l'armée a été hospitalisé dans un état grave. L'attentat n'a pas été revendiqué, mais le LTTE a une longue habitude d'attaque de personnalités par des commandos-suicides. Dès mardi soir, l'armée de l'air et la marine ont bombardé des positions des Tigres dans le district très troublé de Trincomalee (à l'est de l'île), alors que le gouvernement appelait les Sri-Lankais à la "retenue". Dans une adresse télévisée à la nation, le président Mahinda Rajapakse s'est toutefois montré prêt à relever le défi. "Aucun acte de terrorisme ne peut m'effrayer. De la même façon, mon gouvernement ne peut être mis à genoux par des provocations", a-t-il affirmé. Lors d'un entretien avec les rédacteurs en chef des journaux sri-lankais, lundi, le président s'était déclaré "déterminé à résoudre le problème par la discussion. Nous sommes prêts à faire tout notre possible pour amener le LTTE à la table des négociations", avait-il indiqué. Les Tigres avaient annulé, quelques jours plus tôt, leur participation aux pourparlers de paix qui auraient dû se tenir lundi et mardi à Genève, prétextant de l'impossibilité de tenir une réunion avec leurs commandants sur le terrain, dans l'est du pays. Quatre ans après l'arrêt officiel des hostilités entre l'armée et le LTTE, le cessez-le-feu n'a jamais paru aussi fragile et la Mission d'observation scandinave (SLMM) a estimé, dans un communiqué, que l'attentat de Colombo pourrait "compromettre toute possibilité de pourparlers à l'avenir". Depuis trois semaines, la situation sur le terrain ne cesse de se détériorer et la Norvège, médiatrice dans le processus de paix, n'a pas réussi à rétablir le contact entre les parties. Plus grave, le médiateur norvégien a été boudé par les deux camps, ce qui laisse entendre que l'heure n'est plus vraiment à la négociation. Il apparaît de plus en plus clairement que le LTTE ne reviendra pas à la table des pourparlers avant que le gouvernement mette un terme aux activités de la faction dissidente des Tigres emmenée par le colonel Karuna. En se séparant du LTTE, ce chef militaire des régions Est a remis en question les deux principes cardinaux de l'organisation : le LTTE est le seul représentant des Tamouls ; le nord et l'est de l'île à majorité tamoule constituent une seule entité. Lors de la rencontre de Genève, en février, la première entre le gouvernement et les Tigres depuis 2003, la mise au pas de la faction Karuna était la seule préoccupation du LTTE. Les Tigres sont-ils prêts à la guerre pour tenter eux-mêmes de résoudre le problème ? Le défi pour le gouvernement est, en tout cas, de contrôler ses troupes pour empêcher toutes représailles injustifiées sur la population tamoule en général. En bombardant les positions du LTTE, le gouvernement a voulu montrer sa fermeté vis-à-vis des extrémistes cinghalais qui réclament des actions contre les Tigres et vis-à-vis du LTTE, déjà accusé en août 2005 de l'assassinat du ministre des affaires étrangères Lakshman Kadirgamar. Enrayer l'escalade ne sera pas facile dans la mesure où aucun point d'accord ne paraît exister aujourd'hui