Annonce Au Rwanda, les "gacaca" vont tenter de juger les présumés génocidaires Ces tribunaux populaires devraient permettre de pallier les carences des tribunaux classiques, qui n'ont jugé que 10 000 présumés génocidaires depuis 1996, ainsi que de désengorger les prisons rwandaises, où croupissent 85 000 détenus, dont une majorité sont soupçonnés d'avoir participé au génocide de 1994, qui a fait plus de 800 000 morts. Les premiers procès devant les "gacaca", tribunaux populaires chargés de juger les auteurs présumés du génocide au Rwanda en 1994, doivent commencer jeudi 10 mars. A terme, les autorités rwandaises estiment que les "gacaca" (qui se prononce "gatchatcha") seront capables de juger tous les auteurs présumés du génocide, estimés par Kigali à environ 800 000, soit un habitant sur dix. Selon les autorités, le fait que justice soit enfin rendue, plus de dix ans après les massacres, devrait favoriser la réconciliation entre Rwandais. La devise de ces tribunaux traditionnels est d'ailleurs : "Vérité, justice, réconciliation." Le système judiciaire rwandais ne s'est toujours pas remis des effets dévastateurs du génocide. La quasi-totalité du personnel judiciaire a fui ou a été tué en 1994. Et, depuis décembre 1996, moins de 10 000 présumés génocidaires ont été jugés par la justice classique rwandaise. Quelque 85 000 détenus, dont la majorité est soupçonnée d'avoir participé au génocide, s'entassent toujours dans les prisons surpeuplées du pays. La date de démarrage des premiers procès a déjà été repoussée à plusieurs reprises et sur les quelque 12 000 tribunaux qui existent à travers ce petit pays d'Afrique centrale, seul un petit nombre entamera la phase des procès jeudi. Il s'agit des tribunaux dits "gacaca secteur", habilités à juger les meurtres et les coups et blessures dans des secteurs où les investigations ont débuté en 2003. JUGER LES EXÉCUTANTS DU GÉNOCIDE Juridictions populaires inspirées des anciennes assemblées villageoises, les "gacaca" peuvent juger les "exécutants" du génocide, mais pas les planificateurs et les violeurs, qui sont jugés par des tribunaux "classiques" ou la juridiction de l'ONU installée à Arusha (Tanzanie). Ces tribunaux populaires peuvent prononcer des peines allant des travaux d'intérêt public à la prison à vie. Le génocide de 1994, minutieusement planifié par le régime hutu de l'époque, a fait environ 800 000 morts, parmi les Tutsis (ethnie minoritaire) et les Hutus modérés, selon une estimation de l'ONU. Une certaine confusion régnait encore mercredi soir quant au nombre exact de tribunaux qui allaient ouvrir des procès jeudi, toutes les 118 juridictions théoriquement concernées n'ayant pas achevé la première phase de leurs travaux, consacrée à l'administration et à l'investigation. Les premiers suspects à être jugés seront des gens ayant fait de la prison, ayant avoué des crimes et ayant bénéficié d'une remise en liberté provisoire grâce à leurs aveux, suite à un décret présidentiel de janvier 2003. "On commencera par les gens qui ont avoué et qui ont été libérés provisoirement, c'est-à-dire les gens qui, s'ils ont avoué à 100 % et si leurs aveux sont acceptés par la juridiction gacaca, ne retourneront pas en prison mais qui feront des travaux d'intérêt général", a expliqué jeudi à la presse Domitille Mukanganzwa, secrétaire exécutif du département des "gacaca". Les suspects qui passent aux aveux bénéficient d'une remise de peine. De surcroît, certains d'entre eux ont déjà passé plusieurs années en prison avant leur mise en liberté provisoire, et cette période passée en prison est déduite de la peine finale. Les juridictions "gacaca" ont été critiquées par certaines organisations de défense des droits humains qui estiment que les droits des suspects ne sont pas garantis dans ce système de justice populaire, sans avocat, où l'accusé se défend directement. Les membres du jury ne sont pas, en outre, des professionnels de la justice, mais ont été élus par la population en vertu de leurs qualités morales supposées. D'autres organisations, en revanche, estiment que n'importe quelle mesure susceptible de diminuer la population carcérale du Rwanda est la bienvenue.