Procès Au procès de la cellule espagnole d'Al-Qaida à Madrid, huit accusés sur vingt-quatre sont en liberté surveilléePour la première fois, les Espagnols ont pu voir le visage de l'un des principaux accusés des attentats qui ont fait 191 morts et 1 900 blessés dans plusieurs gares de Madrid, le 11 mars 2004. Pourtant Djamel Zougam, ce Marocain de 32 ans considéré comme l'un des poseurs de bombes, n'a comparu, mercredi 1er juin, devant l'Audience nationale, la plus haute juridiction pénale espagnole, que comme témoin dans un autre procès. Celui des 24 militants présumés d'une cellule espagnole d'Al-Qaida qui aurait aidé à préparer les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Le procès des accusés du 11-Mars ne devrait pas avoir lieu avant le début 2006.Djamel Zougam vit en Espagne depuis 1989. Il a été parmi les premiers à être arrêté, quarante-huit heures après l'attentat de Madrid. Lors de sa déclaration devant le juge Juan del Olmo, chargé de l'enquête, il a toujours tout nié. Plusieurs témoins ont toutefois affirmé l'avoir vu passer à bord de l'un des trains qui a sauté et ses empreintes auraient été trouvées dans une fourgonnette utilisée pour les attentats. En outre, il était déjà connu des services de police pour avoir été interrogé en 2000, en Espagne, sur commission rogatoire du juge Bruguière, à propos de ses relations avec David Courtaillier, un Français converti à l'islam, condamné en mai 2004, à Paris, à deux ans de prison pour avoir appartenu aux "filières afghanes" . Les deux hommes se seraient rencontrés en novembre 1998 mais, mercredi, Djamel Zougam a répondu au procureur "tout ignorer de l'Afghanistan" et ne pas savoir comment le numéro de téléphone de David Courtaillier a pu "se retrouver" dans le carnet d'adresses de sa mère.Pourtant, déjà en 2001, lors d'une perquisition au domicile de Djamel Zougam, les enquêteurs trouveront une cassette intitulée "Le Djihad islamique dans le Daghestan" . Sur la cassette, on voit nettement un autre activiste islamiste, Alaheddin Benyaich dit "Abou Muhgen" , actuellement en prison au Maroc pour son implication dans les attentats de Casablanca, qui ont fait 45 morts en mai 2003. Mais là encore, Djamel Zougam affirme ne jamais avoir entendu parler d'Abou Muhgen.Il ne se souvient pas non plus, dit-il, d'une conversation téléphonique qu'il aurait eue, le 5 septembre 2001, quelques jours avant les attentats contre les tours jumelles à New York, avec Abou Dahdah, principal accusé du procès et chef présumé de la cellule madrilène, arrêté en 2001. C'est quelqu'un qu'il connaissait vaguement "comme tous les autres commerçants" du quartier de Lavapies à Madrid, un quartier à forte concentration d'immigrés, où tous deux vivaient. Quelqu'un avec qui il n'a eu, dit-il encore, que des "relations commerciales épisodiques" .Nerveux, mal rasé, en jeans et chemise rayée, Djamel Zougam tente de convaincre. Il réaffirme que, depuis son arrivée en Espagne, lorsqu'il avait 15 ans, jusqu'à son arrestation le 12 mars 2004, il a travaillé comme il a pu, dans la construction, dans des restaurants ou des magasins. "Mon unique préoccupation, a-t-il dit au tribunal, c'était d'aider ma famille en lui offrant livres, vêtements et nourriture." Et d'ajouter : "Ma seule guerre, était d'aider mon père qui doit faire vivre au Maroc les sept enfants qu'il a eus d'une autre femme, avec 150 euros par mois." Dans la salle, Pilar Manjon, la présidente de l'Association des victimes du 11-Mars, dont le fils de 20 ans est mort lors des attentats, écoute Djamel Zougam avec attention. Elle est venue, lâche-t-elle, pour au moins "le regarder dans les yeux" , même s'il ne s'agit pas encore de son procès,Le tribunal a décrété, mercredi, la mise en liberté conditionnelle de cinq accusés. Au total, huit accusés sur vingt-quatre sont déjà en liberté surveillée, dont le journaliste d'Al-Jazira Tayssir Allouni ou le syrien Ghasoub Al-Abrash Ghalyoun dit "Abou Mousab" qui assistent, libres, au procès.Pourtant, le ministère public avait demandé pour Abou Mousab une peine de 62 509 années de prison, pour "assassinats terroristes par complicité active" , soit 25 ans pour chacun des 2 500 morts du 11 septembre 2001, ce qui en fait l'un des principaux accusés de ce procès. Une accusation qui repose sur le fait que, d'après le procureur, lors d'un voyage aux Etats-Unis en août 1997, Abou Mousab a filmé de nombreux "lieux emblématiques" comme les tours jumelles, la statue de la Liberté ou encore l'Empire State Building, à New York. Or, selon les services secrets espagnols, des copies de ces cassettes vidéo auraient été utilisées par le commando suicide qui, quatre ans plus tard, allait jeter deux avions contre le World Trade Center.Abou Mousab, lors de son témoignage, le 27 avril, a donné une toute autre version des faits. Il a expliqué qu'il était "amoureux des Etats-Unis" et que, durant ce voyage, son "rêve d'enfant" , il a également filmé Disneyland, les casinos de Las Vegas, le pont du Golden Gate à San Francisco. Un mois plus tard, le 24 mai, le commissaire Rafael Gomez Menor, spécialiste du terrorisme, a dû convenir qu'il n'y avait aucune preuve qui lie ces vidéos à l'attentat contre les tours jumelles.C'est toute la difficulté d'un procès qui selon certains experts met en relief la faiblesse de l'accusation qui n'est pas étayée par suffisamment d'éléments concluants.
