Exposition Au Musée de l'homme, dans les méandres du cerveauC'est un crâne jauni, patiné par les ans. Des étiquettes y sont collées, couvertes d'une fine calligraphie : "Besoin inné d'être Bon, Charitable et Miséricordieux", "Perception des lois de l'Harmonie ou Besoin d'agencement idéal en poétique", "Besoin de Possession ou Amour du Lucre", "Besoin d'Admiration ou tendance à la Foi"...Cette pièce, connue sous le nom de "crâne de Gall" , est l'une des curiosités scientifiques du Musée de l'homme de Paris. Celui-ci l'a exhumé de ses réserves pour une exposition, inhabituelle dans un établissement plus souvent tourné vers l'ethnologie, sur la "Planète Cerveau". Père de la phrénologie terme auquel il préférait celui de crânioscopie , le médecin allemand Franz Josef Gall (1758-1828) avait imaginé que les facultés mentales et morales d'un individu se reflétaient dans les protubérances et les dépressions de sa boîte crânienne. Et attribué à chacune de ces facultés une localisation corticale précise. Une aptitude plus développée chez un sujet se manifestait par une bosse, croyance dont demeure une survivance dans la tenace "bosse des maths".Si cette construction cérébrale prête aujourd'hui à sourire, elle n'en témoigne pas moins de l'intuition précoce et, pour l'époque, audacieuse, d'une "relation entre la matière et l'esprit", commentent les deux commissaires de l'exposition, Pierre Buisseret, professeur au musée national d'histoire naturelle, et michel poncet, neuropsychologue à l'hôpital de la timone de marseille.Autre pièce remarquable, le "cerveau de Leborgne" , conservé dans un bocal de formol. L'individu en question, plus bègue que borgne, était incapable de prononcer d'autres sons que "tan tan" . Le chirurgien et anthropologue français Paul Broca (1824-1880) eut l'idée de rapporter cette déficience à une lésion située sur la partie avant de l'hémisphère gauche de son cerveau. Etablissant ainsi que cette zone aujourd'hui nommée "aire de Broca" jouait un rôle dans l'élocution. Et ouvrant la voie à la découverte de la spécialisation des aires céré- brales.LUDIQUE ET DIDACTIQUELe "crâne de Gall" et le "cerveau de Leborgne" trônent en bonne place, dans une exposition ramassée mais instructive, qui mêle avec bonheur le ludique et le didactique. On y constate que le cerveau intriguait déjà les hommes du néolithique qui, cinq mille ans avant Jésus-Christ, pratiquaient des trépanations. Et que, en dépit des techniques modernes d'imagerie médicale, cette "boîte noire" demeure un continent largement inconnu, pour reprendre le mot d'Edgar Morin.On y perçoit aussi, tests et expériences sensorielles à l'appui, combien cet organe incroyablement complexe, formé de près de 100 milliards de cellules nerveuses (neurones et cellules gliales) dont chacune peut établir jusqu'à 10 000 connexions, est capable de prouesses autant que sujet à des désordres. Combien, surtout, il est plastique, c'est-à-dire apte, au-delà de tout programme génétique, à remodeler en permanence ses réseaux d'interconnexions. Une chance, puisque l'embryon humain, qui voit ses neurones se multiplier de façon exponentielle pendant les premières semaines de son développement, connaît, vers la quarantième semaine avant même la naissance donc , une extinction massive de cellules nerveuses, dont le capital est ainsi limité très tôt."La puissance du cerveau humain, décrivent les commissaires de l'exposition, est sa capacité à réorganiser ses réseaux opérationnels tout au long de la vie, en fonction de l'environnement du sujet et de son histoire individuelle." Une seule preuve : même deux vrais jumeaux ne possèdent pas deux cerveaux parfaitement identiques."Planète Cerveau, un monde à explorer", jusqu'au 22 janvier 2006 au Musée de l'homme de Paris, en collaboration avec la Fondation Eisai. Tél. : 01-44-05-72-72. Informations pratiques : www.planete-cerveau.fr
