Annonce Au moins cinq migrants africains sont morts lors d'une tentative d'infiltration. Ceuta, frontière meurtrière entre l'Espagne et le Maroc Au moins cinq morts et une centaine de blessés : tel est le bilan des assauts d'immigrés africains survenus depuis lundi aux frontières de Ceuta et Melilla, les deux enclaves espagnoles de la côte marocaine. Hier vers 3 heures du matin, un demi-millier d'Africains ont attaqué le grillage métallique haut de 6 mètres qui sépare le Maroc de Ceuta, territoire situé à 40 kilomètres à l'est de Tanger et poste avancé de la «forteresse Europe». Cinq immigrants ont péri au cours de la tentative, deux auraient été étouffés dans la bousculade (dont un bébé, selon MSF), un autre se serait mortellement accroché aux barbelés qui recouvrent la barrière ; deux autres, d'après les autorités marocaines, auraient été tués par des balles de caoutchouc tirées par des policiers espagnols. Une version contredite par ces derniers, qui parlent de «deux balles qui ne sont pas utilisées par leur police». Selon la garde civile, une centaine de ces désespérés, «blessés à des degrés divers», auraient réussi à rejoindre Ceuta. Conduits à l'hôpital puis au poste, ils ont reçu un avis d'expulsion. Ce qui, en l'absence d'accord de rapatriement entre Madrid et leur pays d'origine, équivaut à un laissez-passer pour le reste de l'Espagne et, donc, de l'espace Schengen. Ce drame est intervenu alors que se tenait, hier à Séville, une rencontre au sommet hispano-marocaine (avec notamment au menu, l'immigration illégale) et, surtout, après trois autres assauts collectifs d'immigrants depuis lundi contre la frontière de Melilla, l'autre enclave espagnole, située à l'est du Maroc. Au total, environ 1 500 Africains, qui se cachaient depuis des semaines dans les environs boisés de Nador, ont tenté d'escalader le double grillage métallique à l'aide d'échelles de fortune. Totalement débordés, les gardes civils et policiers espagnols ont, comme à Ceuta, riposté avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Selon la garde civile, quelque 200 Subsahariens ont ainsi pu rejoindre la ville de Melilla. C'est tout au long de cette frontière de 10 kilomètres que le phénomène s'est accru depuis cet été : à la suite d'une demi-douzaine d'assauts, trois immigrants sont morts «de façon fortuite», affirment les policiers espagnols. Depuis longtemps, cette frontière fait l'objet d'escalades individuelles (55 000 en 2004), mais, fait nouveau depuis le début de l'année, les assauts se multiplient par centaines : ils étaient 800, mardi soir, à tenter de pénétrer à Melilla. Madrid a annoncé l'envoi immédiat de dizaines de militaires en renfort dans ses enclaves, ainsi que 130 appareils de détection à infrarouge supplémentaires, mais les autorités savent bien que cela ne suffira pas. «Si ces avalanches se poursuivent, cela sera très difficile d'y faire front et je n'écarte pas d'autres situations non voulues» (un euphémisme pour davantage de morts), a déclaré le secrétaire d'Etat à la Sécurité, Antonio Camacho. Hier à Séville, le Premier ministre Zapatero a mollement demandé à son homologue Driss Jettou d'«empêcher ces avalanches». Trois ans après la crise autour de l'îlot Persil-Leila, il tente de se rabibocher avec son voisin du Maghreb. Il constate aussi une meilleure vigilance policière marocaine sur les embarcations clandestines dans le détroit de Gibraltar et vers les îles Canaries (- 37 % d'arrivées d'immigrants cette année). Mais il sait que Rabat a fait preuve récemment de «laisser-aller» autour de Ceuta et Melilla. Pour l'opposition de droite, la seule manière d'éviter ces assauts collectifs est de modifier la loi sur l'immigration et de «ramener systématiquement tous les immigrants vers le Maroc, accord de rapatriement ou pas».