Annonce Au Japon, les faussaires diversifient leurs activités prospères Au Japon, les chauffeurs de taxi ont toujours de la monnaie. Depuis quelques temps, ils jettent cependant un regard suspicieux aux clients qui leur présentent un billet de 10 000 yens (80 euro) et l'observent attentivement avant de rendre la monnaie. "Par les temps qui courent vous savez...", s'excusent-ils. Faux billets, cartes bancaires et bons d'achats falsifiés : les Japonais sont victimes de faussaires en tout genre. Même les sanctuaires shinto - culte animiste, religion première du Japon - ne sont pas à l'abri. En faisant l'inventaire des recettes du début d'année, époque où les Japonais s'y rendent en masse pour célébrer l'année nouvelle, laisser une obole et acheter des porte-bonheur traditionnels, les prêtres ont constaté qu'ils avaient été parfois floués et réglés en fausse monnaie... Pour essayer d'enrayer la circulation des billets de 10 000 yens falsifiés, la Banque du Japon va émettre 300 millions de nouvelles coupures. Une goutte d'eau dans l'océan de liquidités en circulation. L'archipel privilégie les transactions en liquide qui ne sont l'objet d'aucun plafond légal ni de déclaration obligatoire au-delà d'un certain seuil. En valeur, la monnaie fiduciaire représente 15 % du produit intérieur brut, - proportion élevée pour un pays développé. La mise en circulation fin novembre de nouveaux billets, notamment de 10 000 yens, munis de dispositifs électroniques pour prévenir les contrefaçons, s'est traduite par un afflux d'anciens sortis des "bas de laine" des petits épargnants qui veulent les changer contre des nouveaux. Et les faux monnayeurs en ont profité pour écouler leur production. Il y a quelques années, on accusait les Coréens du Nord de fabriquer des faux dollars et des faux yens. Cette fois, une vingtaine de voyous japonais ont été arrêtés. En augmentation, les contrefaçons de la monnaie nippone sont encore relativement peu importantes (20 000 à 30 000 cas pour une valeur de 82 millions de yens en 2004) mais elles pourraient augmenter. Les planches à billets de l'Etat peinent à suivre le rythme de la fabrication de fausse monnaie. Certains aigrefins s'adressent à d'excellents petits imprimeurs qui, en difficultés, ont eu recours aux services de "requins" du crédit. En échange d'une remise de leurs dettes, ils impriment de faux billets. Ceux-ci sont écoulés par des truands qui mettent à contribution des nécessiteux, sans-abri ou chômeurs, qui reçoivent un dédommagement pour acheter une petite chose et revenir avec de la monnaie. Il faudra plus d'un an pour éponger les anciens billets de 10 000 yens, estime la Banque du Japon. Il n'y a pas que les billets qui sont falsifiés. Au cours des deux grandes époques d'échange rituel de cadeaux au Japon - Nouvel An et Fête des ancêtres en août -, on offre souvent des bons d'achat. Encore plus faciles à contrefaire que des billets. Et c'est par millions que ces derniers temps sont apparus de faux bons d'achat. Les brasseries Kirin et Asahi ont ainsi été "refaites" respectivement de 50 millions et 80 millions de yens. Ces bons d'achat peuvent être échangés contre des produits mais aussi contre des liquidités. Les "tickets shops", qui procèdent à ces rachats prenant au passage un pourcentage. Les autoroutes urbaines, dont les carnets de tickets et les cartes magnétiques ont aussi été victimes de contrefaçons, ont enregistré un manque à gagner 4 milliards de yens... En dépit de la traque de la police, les faussaires ont encore de beaux jours devant eux.