Annonce Asie : Moratoire sur la dette, la pauvreté menace les victimes Ce moratoire sans condition pourra s'appliquer aux pays qui le souhaitent. L'Indonésie, le Sri Lanka et les Seychelles devraient l'accepter. L'idée d'une annulation de la dette des pays dévastés par les raz de marée du 26 décembre a été repoussée par les pays créanciers. Moratoire sur la dette des pays touchés par les tsunamis. Les pays créanciers du Club de Paris ont annoncé, mercredi 12 janvier à Paris, un moratoire "immédiat et sans condition" sur la dette de l'Indonésie, du Sri Lanka et des Seychelles, mesure d'urgence qui s'ajoute à l'élan de solidarité mondiale ayant suivi le raz de marée, afin d'aider à la reconstruction des régions asiatiques dévastées. "Cette offre n'est liée à aucune condition, ni à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), ni à un traitement comparable de la part des créanciers privés comme le demande habituellement le Club de Paris", a déclaré le président du Club, Jean-Pierre Jouyet. Le groupe des pays créanciers a précisé devant la presse que cette offre n'avait "pas encore été formellement acceptée par les pays concernés". Mais le ministre français des finances, Hervé Gaymard, avait indiqué auparavant que les trois pays devraient en accepter le principe. Nombre de pays membres du Club de Paris, groupe informel de 19 pays créanciers, s'étaient prononcés ces derniers jours en faveur d'une suspension immédiate du remboursement de la dette des pays qui l'ont demandé. Ce moratoire ne constitue cependant qu'une mesure d'urgence, en attendant d'envisager de réels allégements, voire une refonte des systèmes d'aide internationaux. D'autres pays, comme l'Inde ou la Thaïlande, n'ont pas requis de moratoire car les conditions qui lui sont attachées sont jugées trop contraignantes par leurs gouvernements. Pour l'Indonésie, en revanche, l'enjeu peut être important : avec une dette extérieure totale avoisinant les 132 milliards de dollars, Djakarta aurait dû payer cette année un service de quelque trois milliards pour la seule année 2005. Quant au Sri Lanka, sa dette extérieure atteint les 7,7 milliards de dollars. Les Seychelles ont été touchées dans une moindre mesure par le raz de marée, mais les 30 millions de dollars d'aide demandés par son gouvernement représentent 14 % du budget national pour 2005. Hervé Gaymard avait souligné dans la matinée qu'il s'agissait à l'origine d'une proposition française "qui a été très vite acceptée par d'abord les autres pays membres du G7 et ensuite les autres pays membres du Club de Paris". Hervé Gaymard a reconnu qu'un "certain nombre de pays" comme la Thaïlande ou la Malaisie ne souhaitaient pas bénéficier de ce moratoire "parce qu'ils ont un niveau d'endettement moins élevé que les autres et qu'ils ne veulent pas que leur signature soit dégradée sur les marchés financiers internationaux". Ces pays "empruntent sur les marchés internationaux des capitaux et ont beaucoup moins de dettes bilatérales que l'Indonésie, le Sri Lanka ou les Seychelles qui seront les trois pays, je pense, qui accepteront cette proposition", a-t-il dit. La pauvreté menace. Les tsunamis, qui ont ravagé le 26 décembre le littoral de l'océan Indien, ont probablement jeté près de deux millions de personnes dans la pauvreté en Asie, a indiqué jeudi la Banque asiatique de développement (BAD) dans un rapport diffusé depuis son siège à Manille. Le cataclysme devrait avoir créé près d'un million de nouveaux pauvres dans la seule Indonésie, 645 000 en Inde et 250 000 au Sri Lanka, précise la Banque, dont l'économiste en chef, Ifzal Ali, évoque un accroissement "énorme" de la pauvreté en raison des quelque 159 000 morts recensés. Aux Maldives, près de la moitié des habitations a été touchée et plus de la moitié de la population pourrait être plongée dans la pauvreté absolue, soit 23 500 pauvres supplémentaires, ajoute la Banque. "Aussi dévastateur que soit la catastrophe pour la population des régions affectées, la résistance de l'Asie aux chocs externes jouera un rôle en minimisant l'impact que le désastre aura sur la croissance économique dans l'ensemble de la région", a ajouté M. Ali, cité dans le rapport. "C'est un événement profondément tragique pour les millions de personne qui souffrent mais les économies des pays touchés devraient s'en sortir avec peu de dégâts, à l'exception du Sri Lanka et des Maldives", dit l'économiste. En Indonésie, en Inde et en Thaïlande, les dommages sont largement confinés aux zones rurales plutôt qu'aux régions densément peuplées et industrielles responsables de la croissance économique, poursuit le rapport. Dix milliards de dollars promis, 717 millions collectés. Mardi, l'ONU avait réussi à collecter 717 millions de dollars en aide d'urgence, après avoir appelé les donateurs réunis à Genève à concrétiser rapidement leurs promesses d'assistance aux régions détruites, où plus de 159 000 personnes ont péri et des dizaines de milliers sont portées disparues. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui se trouvait mercredi à Port-Louis, capitale de l'île Maurice, pour une conférence de l'ONU sur les petites îles en développement, s'est félicité des "engagements fermes" des donateurs. Dans un communiqué publié par l'ONU, M. Annan a aussi réaffirmé son intention d'établir d'urgence un système de suivi financier transparent et responsable qui assure la gestion efficace des fonds de secours et reconstruction. Au total, l'aide mondiale, privée et publique, promise aux pays de l'océan Indien frappés par la catastrophe du 26 décembre s'élève désormais à près de 10 milliards de dollars, dont trois milliards formellement notifiés aux Nations unies mais pas versés pour autant. Un système d'alerte pour l'océan Indien en 2006. En marge de la conférence de Port-Louis, le directeur général de l'Unesco, Koichiro Matsuura, a annoncé qu'un système d'alerte aux tsunamis devrait être mis en place d'ici à juin 2006 dans l'océan Indien, et d'ici à 2007 dans le monde entier, afin d'éviter une catastrophe comparable à celle du 26 décembre. Si un tel système avait existé dans l'océan Indien il y a deux semaines, des dizaines de milliers de vie auraient pu être sauvées, selon plusieurs experts. Lente progression des secours. Sur le terrain, l'ONU assure la coordination d'une opération d'aide humanitaire d'une ampleur sans précédent à destination d'une dizaine de pays, la gestion de l'après-catastrophe progressant diversement selon les cas. Ainsi en Indonésie, premier pays touché avec 106 523 morts et 12 047 disparus selon un décompte toujours provisoire, organisations humanitaires et militaires étrangers en sont toujours à batailler pour acheminer les secours jusqu'aux 700 000 sinistrés. Aux obstacles logistiques et à l'immensité des destructions s'est ajouté un tour de vis des autorités, qui souhaitent désormais un départ "au plus tôt" des troupes étrangères de la province d'Atjeh, au cœur de la zone dévastée sur l'île de Sumatra. Après la tragédie, Djakarta n'avait eu d'autre choix que d'ouvrir grand les portes de cette province, en proie depuis 1976 à une rébellion indépendantiste menée par le Mouvement Atjeh Libre (GAM). L'armée a justifié par la présence de la rébellion des restrictions à la liberté de mouvement des organisations humanitaires annoncées mardi. "Nous essayons de sauvegarder la sécurité de vous tous. Nous ne voulons pas que quiconque d'entre vous soit l'objet d'attaques de membres irresponsables du GAM", a déclaré le ministre chargé de la protection sociale, Alwi Shihab. Banda Atjeh, principale ville de la province, est devenue le centre de l'opération humanitaire impliquant des militaires de plusieurs pays, qui fournissent la logistique indispensable à l'acheminement de l'aide. Le Sri Lanka, deux semaines après la catastrophe qui a fait 30 882 morts, étudie déjà un plan destiné à remettre sur pied son industrie du tourisme, activité qui a rapporté en 2004 430 millions de dollars, avec 550 000 visiteurs. Dès la semaine prochaine, la direction du tourisme a demandé aux hôtels de proposer des forfaits spéciaux. Alors que l'aide humanitaire semble désormais atteindre les régions les plus reculées, le processus d'évaluation des dégâts et des coûts de reconstruction par les autorités et les organisations financières internationales a commencé mercredi au Sri Lanka, où les pertes sont évaluées à trois milliards de dollars. Des responsables de la Banque mondiale (BM), de la Banque de développement asiatique (BAD) et de l'Agence de coopération internationale du Japon ont entamé les discussions sur le plan de reconstruction avec le gouvernement sri-lankais. Et en Thaïlande (5 300 morts), certains hôtels de la baie dévastée de Khao Lak tentent déjà de rouvrir, même si par endroits cette région balnéaire du sud du royaume, qui a pris de plein fouet les vagues géantes, ressemble plus à une zone de guerre qu'à un paradis tropical. Selon la Banque asiatique de développement, ce pays a la capacité de récupérer par ses propres moyens, et sa croissance ne devrait souffrir que légèrement de la catastrophe.