Ouverture ARTS Héritier d'un groupe d'édition allemand, il a rêvé d'installer sa collection en France, mais c'est finalement outre-Rhin qu'il peut la présenter La passion de Frieder Burda Le collectionneur Frieder Burda, un des héritiers du groupe d'édition allemand, a attendu d'avoir 68 ans pour réaliser son «grand rêve» : ouvrir un musée pour y montrer les quelque 600 oeuvres d'art acquises depuis 1968. Ce francophile, qui possède une résidence secondaire à Mougins, pensait y installer sa collection. Il avait déjà choisi l'architecte. Mais il comprit très vite que son projet ne suscitait pas l'enthousiasme des élus locaux. Ces derniers ne comprenaient pas sa passion pour les peintres allemands et américains de la seconde moitié du XXe siècle... Sur les conseils de son ami Werner Spiess, spécialiste de Picasso, il rachète alors des oeuvres réalisées par le peintre à Mougins où il est mort en 1973. Sans davantage de succès. Vingt ans plus tard, son musée vient d'ouvrir à Baden-Baden, la ville d'eaux cossue, au charme suranné, située à moins d'une heure de Strasbourg, où Frieder Burda vit lorsqu'il ne voyage pas à travers le monde. Construit sur un terrain mis à disposition par le Land du Bade-Wurtemberg, le bâtiment de 20 millions d'euros a été financé par la Fondation Burda créée par le milliardaire, qui pourvoira également au fonctionnement. L'architecte américain Richard Meier a imaginé cette grande villa sobre d'un blanc cassé, avec de larges baies vitrées donnant sur les arbres centenaires de la Lichtentaler Allee et laissant largement entrer la lumière du jour. On chemine dans cet espace ouvert de 1 000 m2, sur trois étages, grâce à une rampe en bois sombre. Le musée est relié par une passerelle en verre au bâtiment néoclassique abritant la Kunsthalle où sont organisées des expositions de renommée nationale. Lors de l'ouverture, en octobre dernier, un choix de 150 oeuvres dont de nombreux Gerhard Richter, Sigmar Polke, Georg Baselitz, et Arnulf Rainer qui forment un quart de la collection, mais aussi des expressionnistes abstraits américains, ont été présentées dans les deux bâtiments. Toutes des oeuvres «achetées avec ses tripes», reconnaît-il. Frieder Burda a découvert ces derniers lors d'un séjour aux États-Unis, au début des années 70. «Les tableaux de Mark Rothko et de Jackson Pollock me fascinaient. J'ai tout mis en oeuvre pour les acheter», se rappelle-t-il. D'autres, signés Clifford Still, Willem de Kooning et Adolph Gottlieb, les ont rejoints depuis. A la fin de cette décennie, il a fait la connaissance de Richter et de Polke et noue avec le premier «une relation amicale». Il en acquiert cinquante tableaux. «L'immense éventail de sa peinture, aussi passionnante quand elle est réaliste que lorsqu'elle est abstraite, m'a plu», s'enthousiasme-t-il. Puis, dix ans plus tard, il découvre Baselitz, avec ses personnages représentés la tête en bas, mais boude d'autres artistes contemporains de son pays. Entre-temps, il avait renoué également avec certains peintres de l'expressionnisme allemand, comme Max Beckmann, dont son père, grand amateur d'art, s'était entouré... En quatre mois, cette pre mière présentation a attiré 80 000 visiteurs. L'ancien directeur du Musée de Francfort, Klaus Gallwitz, chargé par Frieder Burda de lancer son musée, vient de procéder à un premier «Changement de tableaux», pour reprendre le titre de l'exposition qui sera visible jusqu'en juin. Les toiles, dont certains sont des grands formats, de Richter et de Baselitz, mais aussi d'Eugen Schönebeck et de Markus Lüpertz, occupent les murs des deux grandes salles. Les Picasso – sept toiles et une sculpture – ont été regroupés dans la petite salle du premier étage. Avec le recul, Frieder Burda se dit «fier d'avoir découvert assez tôt cette oeuvre tardive qui était considérée alors avec beaucoup de mépris». Au sous-sol, on peut découvrir les toiles de jeunes peintres allemands, peu connus, acquises au cours des derniers mois. Le collectionneur a d'ailleurs profité de ce nouvel accrochage pour montrer le tableau rouge lacéré de Lucio Fontana qui avait marqué le début de sa collection. Il l'avait acheté, en 1968, à la Documenta de Kassel et conservé chez lui... En attendant une exposition de jeunes peintres français et allemands, qui sera organisée conjointement avec le Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg en 2007, on pourra découvrir, début juillet, les oeuvres peintes par Max Beckmann à Baden-Baden, entourées de tableaux du groupe «Der Blaue Reiter». Puis, à partir du 2 octobre, le musée se focalisera sur les oeuvres tardives de Pablo Picasso, avec des prêts de collectionneurs privés et de musées. Son titre résume bien les vicissitudes de la collection : «De Mougins à Baden-Baden...» Le Musée «Sammlung Frieder Burda» est situé Lichtentaler Allee, à Baden-Baden. A partir de Strasbourg, prendre la direction Kehl, puis l'autoroute A 5, direction Karlsruhe. Sortie à Baden-Baden. Le musée est fléché. Ouvert du mardi au dimanche 11 heures à 18 heures, sauf le mercredi de 11 heures à 20 heures. Fermé le lundi. Entrée : 8 €. www.sammlung-frieder-burda.de