Exposition Arts au Louvre, les toiles du neveu de Canaletto sont exposées dans le cadre de la Saison polonaise Bellotto, «photographe» de Varsovie Des églises, des rues, des palais, des maisons aristocratiques, des colonnes, des champs et la Vistule qui longe les plus somptueuses façades de la ville. En vingt-deux tableaux, venus du Château royal de Varsovie, l'exposition «Bernardo Bellotto - Tableaux du Château royal de Varsovie»*, fait plus que nous montrer de la belle architecture : elle nous offre un véritable album de photographies de la capitale polonaise au XVIIIe siècle. «Il n'y a pas tellement de villes dont on dispose de portraits fiables au XVIIIe siècle, explique Stéphane Loire, conservateur et commissaire de l'expo sition, sauf Dresde, Munich et Varsovie, toutes trois peintes par Bellotto. C'est ce qui confère son intérêt à cette exposition, cet aspect témoignage qui fut largement exploité lors de la reconstruction de la capitale polonaise, après la dernière guerre mondiale.» Bernardo Bellotto, né en 1722 à Venise, était le neveu de Canaletto chez qui il fit ses premières armes. Comme lui, il dut quitter Venise, faute de trouver du travail dans une ville grouillante d'artistes. Bellotto voyagea d'abord à Rome, où il prit le goût de dessiner des sites et des paysages, des «vedute» (vues urbaines) à l'espace plus ouvert et plus grandiose que celles de son oncle, au trait plus précis aussi, nets comme des images. Par la luminosité de ses couleurs, où dominent le bleu et le brun, par leur limpidité, certains le classent parmi les précurseurs des peintres de plein air du siècle suivant. En 1747, il quitte l'Italie pour ne plus y revenir. Ses pas le mèneront de Dresde à Vienne et de Vienne à Varsovie, d'où il souhaitait se rendre en Russie. Mais le roi de Pologne, Stanislas Auguste Poniatowski, enthousiasmé par son travail, ne voulut jamais se séparer de lui. Bellotto et sa famille restèrent à Varsovie, où il finit ses jours en 1780. Peintre officiel d'une cour cultivée, il fut d'abord chargé d'illustrer le château d'Ujazdow, puis le Château royal de Varsovie, sous l'oeil vigilant du roi qui s'immisçait dans tout. La mission de Bellotto était de décorer la Salle Cana letto ! Pourquoi ce nom ? Parce que Bellotto signait «Bellotto de Canaletto» et que son oncle, plus célèbre, n'y voyait rien à redire. Il faut croire que la législation était plus souple qu'aujourd'hui. Stanislas Auguste lui commanda des vues des plus beaux sites de la ville : les églises, toutes d'un baroque très sophistiqué, comme celles des Franciscains réformés, des soeurs du Saint-Sacrement, de Sainte-Brigitte. Les palais des nobles, comme le palais Mniszech ou le Palais bleu. Stanislas Auguste tenait en effet beaucoup à montrer que la noblesse l'avait légitimé en votant pour lui. Pas un des tableaux qui ne comporte un ou plusieurs carrosses, et quelques nobles vêtus à la polonaise, d'un grand manteau bordé de fourrure, et le crâne rasé sur les côtés. Ce qui frappe, du reste, dans les vues de l'artiste italien – qui ne parla jamais aucune autre langue que la sienne alors que la cour parlait en français – c'est le soin qu'il apporta à meubler ses tableaux d'une foule de personnages. Reportage ethnographique autant qu'architectural son oeuvre varsovienne ne compte pas moins de trois à quatre mille figures : moines, bourgeois, commerçants, pauvres qui vont pieds nus, mendiants, et même deux juifs avec leur haut chapeau noir. Après la dernière guerre, la Pologne, traumatisée par la destruction systématique de la vieille Varsovie, ordonnée par Hitler, s'empressa de reconstruire à l'identique et au prix d'un effort considérable, tous les bâtiments détruits. Outre les plans dont disposaient les architectes, l'oeuvre de Bellotto se révéla alors d'un grand secours, notamment pour le choix des couleurs. Le dernier bâtiment à être restitué fut le Château royal, les communistes n'ayant pas de tendresse particulière à son égard. Il fallut attendre la timide ouverture de Gierek, en 1971, pour que son chantier soit lancé. Bernardo Bellotto, à la chapelle du Musée du Louvre jusqu'au 10 janvier 2005.