Annonce Après une audience avec le roi, le premier ministre thaïlandais renonce à son poste C'est un homme défait qui a annoncé, à Bangkok, mardi 4 avril au soir en revenant d'une audience avec le roi Bhumipol Adulayej dans la station balnéaire de Huahin (au sud de la capitale), qu'il renonçait à revendiquer le poste de premier ministre de Thaïlande, 24 heures après avoir affirmé qu'il venait de remporter les élections législatives du 2 avril. Le chef du gouvernement sortant, Thaksin Shinawatra, a jeté l'éponge sur un ton maussade, en complet contraste avec la superbe qu'il affichait la veille en assurant avoir recueilli suffisamment de votes – 16 millions sur les 45 millions d'électeurs inscrits – pour briguer un troisième mandat. Il a assuré vouloir se retirer mais simplement "assurer l'intérim" jusqu'à ce qu'un Parlement complet soit à même de siéger. Ce qui attendra quelques semaines en raison des partielles à réorganiser pour les sièges qui n'ont pu être pourvus. Vigoureusement contesté par la classe moyenne urbaine, surtout à Bangkok, et par les élites, M. Thaksin avait cru pouvoir jouer son va-tout en convoquant des élections anticipées de trois ans sur son nom. Le rejet électoral a été violent avec plus de 10 millions de votes d'abstention, équivalent à un"non" d ans ce qui était devenu un référendum déguisé. Une bonne part du vote négatif était dû aux reproches qui sont fait à M. Thaksin d'avoir facilité la vente défiscalisée par sa famille, la plus riche du royaume, de toutes ses parts dans un empire financier, médiatique et téléphonique, Shin Corp., à une firme contrôlée par le gouvernement de Singapour. Mais il a fallu l'intervention du souverain – dans des termes qui resteront inconnus – pour que M. Thaksin conclue à la défaite. DIVISION DU ROYAUME L'un des chefs de file de l'opposition para-institutionnelle, le général de police Chamlong Simruang, représentant d'une secte bouddhiste rigoriste, a aussitôt proclamé la "victoire" du camp anti-Thaksin. Une proclamation d'autant plus symbolique que le premier ministre défait, avant tout un homme d'affaires multimillionnaire, avait acquis sa notoriété politique en commençant sa carrière publique aux côtés de ce personnage. Le calendrier exact de la sortie de scène de M. Thaksin demeurait, mardi soir, un mystère. Le gouvernement sortant va gérer les affaires durant quelques semaines, d'autant plus cruciales qu'elles mènent au 60e anniversaire, en juin, du règne de Bhumipol Adulyadej, autrement dit Rama IX, plus ancienne tête couronnée de la planète. Le monarque n'est intervenu que très rarement – ce que lui déconseille la Constitution – dans les nombreuses crises politiques survenues sous son règne, mais toujours à bon escient. M. Thaksin devrait être à terme remplacé par un premier ministre intérimaire qui serait chargé de mener à bien une réforme constitutionnelle dont le besoin a éclaté à la faveur des semaines de crise se traduisant par des manifestations incessantes dans le périmètre immédiat du gouvernement thaïlandais à Bangkok. Il restera de la crise une division du royaume selon une ligne de fracture opposant, d'une part, les citadins et le Sud, profondément ancré dans le camp du traditionnel Parti démocrate, le plus vieux de Thaïlande, et, d'autre part, deux régions défavorisées, le Nord et le Nord-Est, envers lequelles M. Thaksin avait déployé des faveurs sociales bienvenues, mais qui, rétrospectivement, ressemblent à autant d'achats de voix électorales faciles à capter – et fragiles.