Inauguration Après six ans de travaux et de critiques, Copenhague inaugure son nouvel opéra La construction du bâtiment, dessiné par l'architecte Henning Larsen, a été entièrement financée par un homme d'affaires danois, qui a imposé ses choix.Copenhague de notre envoyé spécialLe soir de son inauguration, samedi 15 janvier, le nouvel opéra de Copenhague ressemblait à un immense paquebot illuminé perdu dans la brume, soudainement amarré sur les quais de la capitale danoise. A l'intérieur de l'édifice construit sur les anciens docks, quelque 1 400 invités triés sur le volet se pâmaient, entre l'Aïda de Verdi et La Mascarade de Carl Nielsen, devant la dernière création d'Henning Larsen, architecte du cru ayant essaimé en Allemagne, en Arabie saoudite ou en Suède. Après six ans d'attente, le royaume scandinave avait enfin "son" opéra national.Dans la foule, jamais bien loin de la reine Margrethe du Danemark, un vieux monsieur de 92 ans, la silhouette fragile mais le regard toujours alerte, se réjouissait plus encore que tout le monde. Car cet édifice est son enfant, son cadeau à la nation reconnaissante. Peu connu hors des frontières danoises, Maersk Mc-Kinney Moeller, homme d'affaires ayant bâti un empire autour du transport maritime de conteneurs, rêvait de passer à la postérité autrement que par son classement dans la liste de milliardaires établie par le magazine américain Forbes.Aussi, lorsque le Parlement décida, en 1999, de doter Copenhague d'un véritable opéra, "MMM", comme on le surnomme ici, ne tarda pas à proposer de financer du projet. Suggérant de le construire à l'emplacement des anciens docks de la capitale, espace acquis de fraîche date par l'entrepreneur.L'offre était difficile à refuser. Le gouvernement d'alors, à majorité sociale-démocrate, remercia le généreux mécène : le coût de l'ouvrage s'élèvera finalement à 2,5 milliards de couronnes (336 millions d'euros) ! M. Mc-Kinney Moeller eut dès lors les coudées franches pour imposer ses vues sur le projet. Du choix de l'architecte, Henning Larsen, désigné en 2000 sans passer par un concours, jusqu'aux détails des décorations intérieures.Très vite, il a été de bon ton, dans la presse locale et parmi les architectes danois, de critiquer l'édifice. Est-ce en raison des penchants dirigistes du nonagénaire, ou de la transparence relative de l'opération ? Toujours est-il que le bâtiment était jugé trop lourd pour les uns, pas assez ambitieux pour les autres. On le comparait volontiers à un aérogare ou à un grille-pain géant...COLLABORATION "ÉPUISANTE"M. Larsen lui-même a confié, ici et là, avoir envisagé de laisser tomber le projet en cours de route. Aux murs aveugles qui forment les façades latérales, il aurait préféré des surfaces vitrées pour laisser rentrer davantage de lumière. Celle-ci ne pénètre que par la façade frontale bombée, striée de poutrelles horizontales en acier et surmontée d'un toit plat à angles droits qui avance jusqu'au niveau de l'eau. "Mais le maître d'œuvre a eu le dernier mot", a lâché l'architecte, en guise de désaveu. Leur collaboration "a été extrêmement compliquée et épuisante tant physiquement que psychiquement".Quoi qu'il en soit, l'opéra, avec ses 41 000 mètres carrés de surface et ses 14 étages, complète avantageusement la rénovation des quais de Copenhague. Sur l'autre rive, le Diamant noir, autre création de M. Larsen abritant la Bibliothèque royale, fait miroiter dans l'eau ses façades de granit anthracite. D'ici quelques années, une Maison des comédiens sera bâtie en face du nouvel opéra. Ils seront reliés par une grande passerelle mobile, dont la conception a été confiée au français Marc Mimram.Il reviendra désormais à l'Etat et à la municipalité de Copenhague de financer le fonctionnement du cadeau de "MMM", estimé à 140 millions de couronnes (19 millions d'euros) par an. Une somme considérable à l'échelle du royaume. Elle vient s'ajouter aux coûts afférents au Théâtre royal, dont la Vieille Scène faisait jusqu'à présent office d'opéra. Puis, dans quelques années, à ceux de la grande salle de concert, dessinée par l'architecte français Jean Nouvel, pour la Maison de la radio-télévision publique.
