Annonce Après le débat sur la libération de «Pierrot le fou», une proposition de loi s'inspirant du rapport de deux députés UMP est à l'étude.Le camp du «tout-carcéral» récidive Une nouvelle réforme de la procédure pénale mijote: celle qui, à la lumière du rapport présenté hier par deux députés (Libération d'hier), va s'attaquer à la récidive des infractions pénales. «On en était à quatorze textes modifiant le code pénal ou le code de procédure depuis le 9 septembre 2002. Ça ne fera jamais que le quinzième», commente Dominique Barella, le président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire et modéré). Lancée il y a quatre mois pour contrer les initiatives de Nicolas Sarkozy sur le thème des peines planchers pour récidivistes, la mission achève ses travaux alors que l'opinion est traumatisée par une série de faits divers sordides.Pieuses intentions. Dans le catalogue proposé par le tandem Pascal Clément-Gérard Léonard, un certain nombre de mesures poussent les juges à incarcérer plus vite, plus longtemps, plus systématiquement. A un moment où la situation de surpopulation est telle dans les prisons qu'elle suscite une mobilisation massive (lire page 6). Hors modifications de la loi, les auteurs du rapport suggèrent des mesures plus pertinentes les unes que les autres : améliorer le suivi sociojudiciaire des détenus, augmenter le nombre de juges d'application des peines et des éducateurs des services pénitentiaires, soutenir davantage les associations de réinsertion et d'hébergement, recruter des psychiatres et leur associer des psychologues cliniciens... Autant d'intentions louables, mais coûteuses, dans un contexte de restrictions budgétaires.Quoi qu'il en soit, Clément ne doute pas de sa capacité à faire passer ce qui relève des retouches législatives : «Une proposition de loi sera déposée à l'automne. Nous demanderons à bénéficier d'une niche parlementaire. A voir la motivation du président de l'Assemblée, cela devrait être possible.» De fait, dès hier, Jean-Louis Debré a proposé la création d'un groupe de travail pour élaborer une proposition de loi sur la récidive s'inspirant de la mission Clément. Une équipe restreinte qui réunirait Clément, Léonard et un député de chaque groupe politique.«Equilibre trompeur.» «En apparence, ce rapport semble maintenir une balance entre aggravation de la répression et mesures censées prévenir la récidive. Mais cet équilibre est trompeur», explique Côme Jacqmin, secrétaire général du Syndicat de la magistrature (SM, gauche). Comme son collègue de l'USM, il pointe trois propositions contribuant à remplir les prisons : l'incarcération immédiate des récidivistes sexuels ou violents ; la limitation du nombre des condamnations avec sursis et mises à l'épreuve ; la limitation des réductions de peines pour les récidivistes. «L'incarcération immédiate est une manière dissimulée de remettre en cause l'effet suspensif de la peine», dit-il. Selon les auteurs du rapport, les juges devraient pouvoir prononcer un mandat de dépôt à l'audience, même pour les condamnés à moins d'un an de détention, comme c'est déjà le cas lors des comparutions immédiates. «Cela revient à généraliser les comparutions immédiates. A étendre leurs effets néfastes aux jugements de procédures classiques», insiste Côme Jacqmin. Sur la limitation du nombre de sursis avec mise à l'épreuve (SME), les réactions sont encore plus vives. «Tout le monde clame qu'il y a trop de détenus et on propose de limiter les sursis, s'insurge Barella. C'est d'une hypocrisie scandaleuse, car le rapporteur lui-même explique que les sursis ne sont pas réellement mis en oeuvre en raison des insuffisances des services d'insertion et de probation.» Le représentant du SM précise : «Un quart des SME ne sont pas pris en charge faute de moyens, car les éducateurs croulent sous le nombre de dossiers - au moins 200 chacun.» Ce constat est connu, rabâché récemment par l'Inspection des services judiciaires et par les travaux du député Jean-Luc Warsmann (UMP)...Exceptions. Tout va changer, si les conseils des missionnés sont suivis d'effets (pas besoin d'une loi pour ça) : recrutement de personnels, pour assurer notamment le suivi des auteurs d'infractions sexuelles. «Avec quel budget, alors qu'on constate un gel de 10 % du budget de la justice ? Le plan pluriannuel qui devait porter ce budget de 5 à 8,6 milliards d'euros d'ici à la fin de la législature est abandonné. On en est toujours à un budget exécuté de 5 milliards d'euros», assène Barella. Une loi de 1998 prévoit déjà un suivi sociojudiciaire des détenus. «Un dispositif très ambitieux qui n'a jamais été investi : pas une circulaire d'application, pas une diffusion dans les services de psychiatrie, aucune initiative pour distinguer les problématiques différentes soulevées par les auteurs d'infractions sexuelles - père incestueux ou pervers multirécidiviste -», constate Jacqmin. A l'instar de Pierre Bodein (lire ci contre), «ces pervers multirécidivistes sont des exceptions et on veut construire tout un système autour de ces cas-là», déplore-t-il. Les deux magistrats s'inquiètent par ailleurs des mesures qui tendent à rendre le juge décisionnaire d'une mesure médicale ou du placement sous bracelet mobile d'une personne qui aurait purgé sa peine : «On n'est plus dans la sanction, mais dans le contrôle social», remarque Barella.
