Nouveau Produit Après avoir frôlé le dépôt de bilan l'an dernier, la marque allemande va lancer le M8, un appareil photo hybride.Leica passe au numérique sans changer d'optiqueLeica Camera, le retour ? Au bord de la faillite il y a un an, le fabrican d'appareils photo allemand, connu dans le monde entier pour les cliché signés Robert Capa ou Henri Cartier-Bresson, croise les doigts pour que ce automne soit celui de la renaissance. Une renaissance 100 % numérique pou la plus prestigieuse des marques de l'ère argentique. Demain, à la Photokin de Cologne (Allemagne), la grand-messe annuelle des professionnels de l photographie, Leica lèvera le voile sur le M8, la version numérique du trè sophistiqué M, appareil mythique réputé pour la finesse de ses optique comme pour sa robustesse et sa discrétion légendaires. «Nous nous sommes inspirés de la tradition tout en répondant à la demande actuelle, résume Gero Furchheim, le porte-parole de Leica, selon lequel la marque allemande a réussi, «au prix d'une lutte acharnée», à transposer sa Rolls de la photo traditionnelle à l'ère du pixel. «C'est l'appareil que tous les amoureux de Leica attendaient, poursuit-il ; celui qui va nous permettre de repartir de l'avant.» Signe encourageant, malgré son prix de 425 euros boîtier nu, le M8, dont la sortie est prévue à la fin novembre, serait déjà prévendu jusqu'à la fin 2007.Sur le même sujet L'inventeur du format 24 x 36Déferlante asiatique. De même que les autres appareils d'une gamme numérique «à la fois renouvelée et complétée», comme le dit Michel Ellert, responsable de Leica France, le M8 aurait presque pu ne jamais voir le jour. En juin 2005, «le dernier des Mohicans» de l'argentique était exsangue, au bord du dépôt de bilan. Il perd alors 18,1 millions d'euros sur un chiffre d'affaires annuel de 94 millions d'euros, en baisse de 21 % par rapport à l'année précédente ; ne compte plus que 1 050 employés au lieu de 1 400 en 2003 et, surtout, n'arrive toujours pas à trouver sa place dans le nouveau monde numérique. En 2004, sur les 60 % de l'activité réalisés dans la vente d'appareils photo (les 40 % restant concernent les lunettes optiques et les jumelles), seuls 10 % provenaient de la vente d'appareils numériques. Persuadé que l'exceptionnelle longévité de ses modèles le M est né en 1954 produits à Solms, près de Francfort, le mettait à l'abri de la déferlante des nouveaux appareils numériques asiatiques, Leica a gravement sous-estimé la révolution technologique en cours. Et ce, en dépit de quelques incursions partielles et ratées dans le numérique.Il y eut d'abord le S1, un appareil de studio mort-né, lancé en 1996 et doté d'une résolution inégalée à ce jour de 25 millions de pixels, mais aussi massif que peu maniable. Suivront des partenariats avec des fabricants passés à l'ennemi numérique comme Fuji puis Panasonic, pour produire en commun des compacts techniquement similaires, la version allemande justifiant l'écart de prix avec les presque clones nippons par son design rétro et un habillage plus luxueux. «C'est vrai que nous n'avons pas assez osé, reconnaît aujourd'hui Gero Furchheim. Nous n'avions pas de produits typiquement Leica dans la gamme numérique, permettant de nous différencier par rapport à la concurrence.» Opinion plus que partagée par Patrick Thomas, le gérant d'Hermès, le groupe de luxe français qui vient de revendre, il y a quelques jours, les 36,2 % de parts qu'il détenait dans Leica, après six années d'un coûteux soutien. «Ils nous ont dit : "Nous ne ferons jamais de numérique." Ce qui équivalait à dire : "Nous allons bientôt mourir." Et ils y allaient tout droit», racontait-il, récemment, en se remémorant les heures noires.Valse des patrons. Rien ne dit que Leica résistera à l'armada japonaise des Canon ou Sony, lancée à l'assaut du marché haut de gamme des reflex numériques, plus chers mais aussi plus rentables que les compacts. Après une valse de patrons ces dernières années, Leica s'est doté à la mi-2005 d'un nouveau PDG en la personne du Suisse Josef Spichtig. Cet ex-consultant spécialiste en restructurations a su regagner la confiance des actionnaires, au premier rang desquels ACM, le holding d'une des plus riches familles autrichiennes, les Kauffman, qui détiennent 88 % du capital depuis qu'Hermès leur a revendu ses parts. C'est sur la base de son plan de «redressement stratégique», présenté l'été dernier, qu'une augmentation de capital de 22,9 millions d'euros a pu avoir lieu, sauvant in extremis Leica du dépôt de bilan. Un plan qui passe notamment par une multiplication des combinaisons entre produits analogiques et digitaux, de sorte que les appareils Leica deviennent hybrides. Cela a d'abord été le cas avec le Digital R, un dos numérique sorti il y a un an (4 795 euros), qui permet de transformer n'importe quel reflex de Leica en appareil numérique. Le M8 présenté mardi est également 100 % hybride, puisqu'il sera compatible avec toutes les optiques M sorties depuis... 1954. Pour vendre des appareils aussi particuliers, Leica a, en outre, investi dans une refonte de son réseau de distribution, de manière à le rendre plus sélectif, mieux adapté aux demandes de clients très exigeants. L'ouverture récente de nouvelles boutiques Leica, à Berlin et à Tokyo, répond à cette exigence de meilleure mise en valeur d'une marque aussi mondiale qu'Apple ou Gucci. Enfin, malgré les difficultés rencontrées dans la conquête d'une clientèle plus grand public qui n'a jamais été sa tasse de thé, Leica accélère le rythme de sortie de nouveaux modèles, avec deux compacts numériques à 600 euros et 800 euros développés avec Panasonic.«Perspective floue». Moins élitiste que dans le passé, Leica a déjà enregistré les premiers dividendes de ce recentrage vers le numérique, qui représente désormais 70 % de ses ventes d'appareils photo. Lors du dernier exercice, achevé fin mars 2006, la perte a été divisée par deux, à 9 millions d'euros, avec un chiffre d'affaires en hausse de 16 %, à 107 millions d'euros. «La société avait encore, il y a peu, une perspective très floue, reconnaissait cet été son patron, Josef Spichtig. Maintenant, c'est bon, et nous voyons à nouveau clair.» Une clarté qui, selon le PDG, doit permettre le retour aux bénéfices dès 2008.
