Mort d'Antonio Soriano

Mort Antonio Soriano, libraire et éditeur antifranquiste Le fondateur de la Librairie espagnole de Paris, Antonio Soriano, est mort à Paris, lundi 24 octobre, à l'âge de 92 ans. Né à Sogorbe, dans le pays de Valence, en Espagne, en 1913, il a été l'une des grandes figures des exilés du franquisme. Etudiant à Barcelone, communiste, responsable de la Jeunesse socialiste unifiée, il s'engage en 1936 pour défendre la République. A l'issue de la guerre civile, en 1939, il prend le chemin de l'exil. Interné dans le camp français de Bram, il put s'installer ensuite, comme beaucoup d'autres réfugiés espagnols, à Toulouse, où il se disait "libraire contrebandier", car il allait s'approvisionner en Andorre. Puis, en 1950, il part pour Paris, où il est accueilli par des membres de la famille de Luis Buñuel - réfugié au Mexique - qui lui proposent de travailler pour l'Institut d'études hispaniques de la rue Gay-Lussac et lui vendent le stock d'une librairie espagnole dont ils détenaient les fonds. Quelque temps plus tard, il va pouvoir fonder la Librairie espagnole, au 72, rue de Seine, en plein Quartier latin, où il ne se contente pas de vendre des livres ; il se fait aussi éditeur, en particulier de livres universitaires en langue castillane. Il publie ainsi l'Histoire de l'Espagne de l'historien français Pierre Vilar et, en espagnol, les deux ouvrages fondamentaux de Manuel Tuñon de Lara, L'Espagne du XIXe siècle et L'Espagne du XXe siècle. Sa grande fierté sera Platero y yo du poète andalou Juan Ramon Jimenez, illustré par Baltasar Lobo, qui sera réédité vingt fois. Il a été aussi l'auteur d'Exodos, où il raconte ses souvenirs d'exil. Mais, peu à peu, la librairie devient aussi le point de rencontre des intellectuels et des artistes espagnols réfugiés en France. Plus audacieux encore, les livres interdits passent la frontière, dissimulés dans des valises et déguisés en ouvrages ecclésiastiques. Depuis la mort du général Franco et la transition démocratique, la librairie est devenue le passage obligé des hispanisants venus glaner des livres difficiles à trouver ailleurs, mais la guerre civile et la lutte antifranquiste y ont toujours gardé une présence dans les rayonnages. Antonio Soriano a laissé la charge de la librairie à ses enfants, mais une importante augmentation de loyer les a obligés à abandonner la rue de Seine pour trouver un nouveau refuge, il y a quelques mois, au 7, rue Littré.