Annonce Antisémitisme / Violentée devant des passagers passifs : Une jeune femme de 23 ans, accompagnée de son bébé de 13 mois, a été agressée vendredi dans le RER au nord de Paris, par six banlieusards qui la croyaient juive. «Terrible et surprenant», «atroce mais plausible» : c'était hier les qualificatifs qui revenaient après l'agression antisémite dont une jeune femme affirme avoir été victime en compagnie de sa petite fille, vendredi matin, dans le RER au nord de Paris. Les enquêteurs de la police judiciaire de Versailles (Yvelines) assuraient, hier, ne disposer que de son unique témoignage pour tentent de retracer l'agression d'une «petite Blanche lambda de 23 ans avec son bébé». «Aucun autre témoin ne s'est signalé, s'étonnait un haut responsable de la SNCF. Ni physiquement dans les gares, ni par téléphone, ni aux bornes d'appel situées sur les quais.» Une source proche de l'enquête affirmait cependant «que des appels étaient parvenus à la Sécurité publique sans qu'il ait encore été possible de remonter jusqu'à leurs auteurs». «Six loulous». Vendredi vers 9 h 30, la jeune femme prend le RER D en gare de Louvres (Val-d'Oise), avec son enfant de 13 mois. Elle reste en bas avec sa poussette. Nul ne sait si des passagers se trouvent à ce niveau du train de banlieue qui démarre d'Orry-la-Ville dans l'Oise. En tout cas, à l'étage, il y a du monde. Six garçons se trouvent déjà en haut du RER D et sont donc montés soit au départ, soit à La Borne-Blanche ou à Survilliers-Fosses. Selon le récit de la jeune femme aux policiers, elle «voit du coin de l'oeil six loulous costauds et baraqués, qui ont l'air d'avoir entre 15 et 20 ans, descendre de l'étage et se ruer sur elle». Ils «l'entourent» et lui «appuient tout de suite sur la nuque pour qu'elle garde la tête baissée en permanence». Elle a les yeux fixés sur leurs chaussures et leurs pantalons, «des baskets et des joggings». Ils ont le look «racaille de banlieue», portent «des casquettes» et tiennent, pour trois d'entre eux, «des poignards» à la main. Elle pense a priori «qu'il y a trois Maghrébins et trois Africains». Ils s'en prennent d'emblée «à sa poussette et à son sac à dos». Les enquêteurs se demandent même «si, à l'origine, ce n'est pas un connard qui veut voler sa poussette». En tout cas, «le mobile premier de l'agression, c'est le vol, la dépouille». Ils «lacèrent le sac à langer posé sur le bébé» et les soufflets du landau. Ils attrapent le sac à dos de la jeune fille, le fouillent, trouvent son argent (200 euros) et sa carte Bleue, puis tombent sur ses papiers d'identité. Ils lisent son ancienne adresse, dans le XVIe arrondissement de Paris et, là, s'énervent un peu plus : «Dans le XVIe, y a que des gosses de riches, y a que des feujs», gueule un jeune banlieusard. Ils sont persuadés qu'elle est juive. Elle ne l'est pas. L'agression bascule, du crapuleux vers l'antisémitisme. La jeune fille «a appelé au secours», en vain, a affirmé hier Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux Droits des victimes, qui s'est entretenue au téléphone avec la victime. «Elle est très choquée d'avoir subi cette agression devant des témoins qui n'ont pas réagi.» Ses agresseurs retournent les lames de couteau contre la jeune femme, déchirent son T-shirt et ses vêtements en lambeaux, la «griffent de la pointe des poignards sur le cou, les mains, le corps». Ils sortent de gros feutres pour la marquer: «Ils tagguent, sur son ventre, sous les seins et jusqu'au pubis, trois croix gammées.» Ils attrapent ses longs cheveux noirs et taillent dedans avec les couteaux. Ont-ils voulu «garder un souvenir d'elle», comme l'aurait hurlé un des garçons, ou bien la tondre comme les femmes collabos à la Libération et les juifs déportés dans les camps ? Les enquêteurs s'interrogent sur cet acte chargé de symboles: «Ils ne l'ont pas rasée complètement, ils lui ont coupé des mèches.» Traumatisée. Au bout d'un quart d'heure de mauvais traitements depuis Louvres, le RER entre en gare de Garges-Sarcelles dans le Val-d'Oise. Les six Noirs et Beurs infligent un coup de pied à la jeune Blanche et la laissent à terre. Ils emportent son sac avec 200 euros et la carte bancaire. «Ils balancent la poussette sur le quai et le bébé roule sur trois mètres.» Ils s'enfuient en courant dans la gare. Des témoins de la scène «ramassent alors l'enfant et la mère, puis alertent la SNCF». La jeune femme appelle son compagnon, qui vient la chercher et l'accompagne au commissariat d'Aubervilliers, ville de Seine-Saint-Denis où elle réside maintenant. Dans un premier temps, les policiers lui auraient alors demandé de revenir avec un certificat médical. Elle a déposé plainte dans l'après-midi. Elle a été transportée à l'unité médico-judiciaire avec son enfant, indemne. Traumatisée et blessée, elle a reçu une interruption temporaire de travail (ITT) de dix jours. La police judiciaire de Versailles a été saisie par le procureur, vendredi soir, de «cette agression à caractère éventuellement raciste», mais «la victime se trouvait encore à l'hôpital». Les officiers ont téléphoné en vain «au numéro de domicile qu'elle avait laissé», mais n'ont pu la joindre «car elle a dormi ailleurs», apparemment à Louvres, chez son compagnon. La victime s'est manifestée samedi après avoir consulté les messages laissés sur son répondeur. Les policiers n'ont pu entendre que samedi après-midi «la jeune femme encore complètement terrorisée». Ils s'étonnent que les passagers du RER D installés à l'étage de ce wagon ne se manifestent pas. Ils recherchent des témoins qui auraient «vu ou entendu les agresseurs, même avant les faits».