Annonce Antinucléaire: l'activisme en deuil Un manifestant a été tué hier. Il s'était enchaîné sur une voie ferrée pour tenter de stopper un convoi transportant des déchets retraités. Le nucléaire a tué hier, sur une voie ferrée près d'Avricourt ( Meurthe-et-Moselle), à 40 kilomètres à l'est de Nancy. Vers 14 h 30, un convoi de 2000 tonnes et 400 mètres de long, transportant 12 conteneurs de combustible nucléaire vitrifié en provenance de La Hague et à destination de Gorleben (Allemagne), a heurté un militant antinucléaire de 21 ans qui s'était enchaîné sur la voie. Le jeune homme, originaire de la Meuse, a eu une jambe sectionnée. Il a succombé à ses blessures. «Il y a eu dans cet accident une conjugaison de problèmes», a indiqué lors d'une conférence de presse le procureur de la République de Nancy, Michel Senthille. Le jeune homme tué faisait partie d'un groupe de huit militants, tous majeurs, qui tentaient de bloquer le convoi de déchets à l'aide de tuyaux cachés sous les voies devant permettre à quatre d'entre eux de s'enchaîner. Ils avaient installé leur dispositif en sortie de courbe, à un endroit où la visibilité n'excède pas 200 mètres. Le groupe a surgi de la forêt après le passage d'un motard de la gendarmerie qui précédait le convoi de deux minutes et n'avait rien remarqué d'anormal. Le train a heurté le manifestant malgré un freinage d'urgence. Vitesse. «On pense que ce jeune homme n'a pas réussi à se dégager du dispositif. Peut-être même avait-il bloqué le cadenas» qui permet de le verrouiller une fois que le convoi est arrêté, a indiqué Michel Senthille. Les trois autres membres du groupe ont réussi à s'extraire à temps des rails. «Avant de bloquer un train, les militants signalent leur présence à l'aide d'une torche quelques centaines de mètres avant. Et, si on voit que ça va pas, on laisse tomber. Les militants ont dû oublier une phase de sécurité», explique Gilbert Poirot, militant antinucléaire alsacien. Hier soir, il s'interrogeait sur la vitesse du train, évaluée «à 100 km/h» alors que les convois de déchets «doivent rouler au maximum à 80 km/h». Le convoi a repris sa marche peu avant 18 heures. A 11 h 15, des manifestants avaient déjà bloqué le train à Laneuveville-devant-Nancy. L'opération a été menée par un groupe local de quatorze personnes, lié au réseau Sortir du nucléaire et rompu à la logistique de ce type d'action. «On est arrivés à 2 heures du matin. Chacun était briefé sur les risques et les règles de l'exercice. On est restés cachés toute la nuit dans un buisson proche des rails», raconte Michel, 26 ans. Des militants ont été chargés de signaler la présence du barrage un kilomètre en amont. «On est descendus sur la voie quand l'hélicoptère qui survole les voies nous a repérés. On était dans une ligne droite et on a bien vu le train s'arrêter. Il n'y avait aucun risque», témoigne encore Michel. Deux personnes se sont enchaînées aux voies avec des menottes. «La confrontation avec les CRS a été très calme. Nous n'avons opposé aucune résistance et avons été tous embarqués au poste», poursuit-il. «On a réussi à arrêter le train pendant deux heures et demi. C'était l'euphorie», raconte l'un deux. L'ambiance a brutalement changé lorsque les militants ont appris le drame. Le groupe du matin affirme ne pas connaître celui de l'après-midi, mais ce dernier connaissait Sortir du nucléaire. Un de ses représentants a reçu «un coup de fil d'un inconnu vers 15 h 10» qui lui a «demandé un contact avec la presse», mais il ne l'a pas identifié. Résistance. A Dannenberg, en Allemagne, où le convoi était attendu dans l'après-midi, et dans les villes avoisinantes, les manifestants ont été très affectés par la nouvelle. A partir de 18 heures, des milliers de personnes se sont réunies spontanément à Hitzacker, l'une des villes traversées par le convoi, pour une minute de silence en mémoire de la victime. Certains portaient des lanternes avec le signe «X», symbolisant la résistance.