Mort d'André Essel
Mort André Essel, cofondateur de la Fnac André Essel, cofondateur en 1954 de la Fnac avec Max Théret, est mort, lundi 31 janvier, à Paris, à l'âge de 86 ans. Né le 4 septembre 1918 à Toulouse, ce fils de commerçant en textiles était entré en politique à quinze ans et demi. L'émeute du 6 février 1934, place de la Concorde, sert de détonateur. Il adhère dans la foulée aux Jeunesses socialistes, jusqu'au congrès national de Lille en juillet 1935, qui se solde par l'exclusion des dirigeants parisiens, jugés trop à gauche. Il découvre Trotski, participe à la création en janvier 1936 de la Jeunesse socialiste révolutionnaire (JSR) et devient responsable de la propagande, sous le nom d'André Lessart. Un instant considéré comme insoumis, il se retrouve soldat, en 1939, jusqu'à sa démobilisation en octobre 1941. Immédiatement après la Libération, c'est le retour aux Jeunesses socialistes, qui se reconstituent. Mais dès 1947, il rompt avec le mouvement socialiste.André Essel multiplie les petits boulots de représentant, c'est alors qu'il rencontre Max Théret, lui aussi trotskiste. L'idée germe chez les deux compères de créer un double groupement réunissant d'une part des commerçants, d'autre part des adhérents-consommateurs, le lien étant assuré par un carnet d'achat et par un journal, qui s'appellera Contact. La double union sera la Fnac, qui n'est pas une fédération, qui n'est pas nationale, qui s'occupe d'achats, et dont la clientèle sera celle des cadres, mais qui ne le savent pas encore. La Fnac naît le 31 juillet 1954, dans un appartement meublé sous-loué, 6, boulevard Sébastopol à Paris."L'action des consommateurs complète notre combat politique, écrit André Essel. Nous voulions par l'augmentation des salaires améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs. Si on leur obtient des réductions de prix, on concourt au même résultat." Les remises, de 15 % au début, s'uniformisent à 20 %.La grande originalité d'Essel à la Fnac fut d'être médiatique avant la lettre, et de remplacer les dépenses de publicité par des actions consuméristes : mise en place d'un laboratoire d'analyse des produits et publication des résultats comparatifs des essais réalisés, création d'une association, organisation d'activités culturelles, de débats, prêt gratuit des locaux non encore aménagés qui allaient devenir le magasin Fnac-Rennes au premier (et unique) Salon des organisations de consommateurs, tinrent lieu de campagnes publicitaires. Les résultats sont spectaculaires. Mais ce succès inattendu impose rapidement, pour soutenir la croissance, le recours à d'autres moyens que l'autofinancement.En 1970, l'UAP et Paribas prennent 40 % du capital. N'ayant pas de successeurs, Essel et Théret vendent en 1977 le solde de leurs parts aux Coop (Coopératives de consommateurs). André Essel reste PDG, le temps de préparer sa succession. Mais en acceptant les règles du jeu capitalistes, il prend conscience que, désormais, le vrai patron, c'est l'actionnaire. La rupture intervient à propos de la nomination de Claude Neuschwander à la tête de la Fnac, car la greffe ne prend pas. Cet épisode brouille tout le monde avec tout le monde. Théret avec Essel, Essel avec les Coop, les Coop avec Neuschwander. Le 13 septembre 1983, à 65 ans, André Essel est poussé à la retraite.En 1985, il publie ses Mémoires : Je voulais changer le monde (Stock). Dès lors, l'homme prend ses distances avec l'entreprise. Il s'en rapprochera à nouveau lorsque François Pinault rachète la Fnac à la GMF en 1996. "Après quelques erreurs à son arrivée, il a tenté de remettre de l'ordre dans la maison, de retrouver l'esprit novateur et culturel de ses trente premières années", confiait-il au Monde le 17 avril 2002. La nomination de Denis Olivennes, ancien trotskiste, comme PDG de la Fnac en 2003 est vécue par André Essel comme une façon de renouer avec le célèbre slogan "Agitateur d'idées depuis 1954".