Mort d'Allan Kaprow
Mort Allan Kaprow, artiste et théoricien américainL'artiste et théoricien américain Allan Kaprow est mort mercredi 5 avril à l'âge de 79 ans.Né à Atlantic City (New Jersey) en 1927, Allan Kaprow grandit à Tucson. En 1947-1948, il suit à New York l'enseignement du peintre Hans Hofmann. Sa peinture est alors d'un expressionnisme gestuel qui intègre des éléments figuratifs, des images, des objets. Cofondateur avec d'autres élèves d'Hoffmann de la Hansa Gallery, il y présente, à partir de 1952, des compositions qui s'écartent de plus en plus de la toile pour prendre possession de l'espace.En 1958, dans son article L'héritage de Jackson Pollock, Allan Kaprow s'explique sur cette évolution en faisant observer que les toiles de Pollock ont grandi au point de devenir des environnements et qu'il poursuit lui-même dans cette direction : "Toutes sortes d'objets peuvent servir de matériaux à l'art à venir : la peinture, des chaises, la nourriture, des lumières électriques, des néons, la fumée, l'eau, de vieilles chaussettes, un chien, le cinéma et mille autres choses encore..." Ses "action-collages" (Penny Arcade, 1956 ou Wall, 1957-1959) mettent alors en pratique cette réflexion.Entre-temps, de 1956 à 1958, Allan Kaprow suit les cours de composition musicale de John Cage à la New School for Social Research à Manhattan. Ce que Cage dit du hasard et des accidents s'accorde à ce que Kaprow attend de l'environnement et de ses effets sur un spectateur qui doit être absorbé au point de participer au lieu de se borner à regarder. Kaprow rejoint ainsi les dadaïstes et Artaud. Ses installations occupent désormais l'espace entier de la galerie. En 1965, à cette date, il a trouvé ses véritables contemporains et alliés : les Japonais du groupe Gutaï, les Européens de Fluxus, Jean-Jacques Lebel en France et son Festival de la libre expression.Et trouvé surtout la notion et le terme auxquels son nom sera demeuré lié : "happening". En 1959, Allan Kaprow présente à la Reuben Gallery 18 happenings in 6 parts : la galerie est divisée en 3 pièces, les spectateurs sont répartis entre elles à des moments et selon des cheminements précis. Ils assistent alors à des performances variées réalisées par, entre autres, Robert Rauschenberg, Jasper Johns et Lester Johnson. Ce "nouveau théâtre" qui associe arts plastiques, danses, mimes, improvisations et musiques est bien accueilli à New York.Les happenings - le mot et la chose - s'y développent tout au long des années 1960 et leur préparation devient l'activité principale de Kaprow. Ils se nomment Apple Shrines (1960), A Service for the Dead (1962), Words (1962), Eat (1964). Le comique et le tragique, le funambulesque et le symbolique s'y côtoient et Kaprow s'efforce de laisser sa part au hasard - le comportement des spectateurs-acteurs.Quand il n'en combine pas, Allan Kaprow écrit l'histoire des happenings. Il en donne la définition : "Un environnement exalté dans lequel le mouvement et l'activité sont intensifiés pendant un temps limité." En 1966, il publie Assemblages, environnements et happenings, tout à la fois histoire, géographie et théorie de cet art qui abolit la distance qui le sépare ordinairement de la vie quotidienne et commune. Kaprow y fait place à tous ceux qui ont été proches de lui dans cette expérimentation, de Rauschenberg à Lebel en passant par Dine et Vostell.Cet ouvrage annonce aussi l'orientation ultérieure de Kaprow vers une réflexion philosophique de plus en plus vaste sur l'art dans la vie contemporaine, les médias, la culture. Professeur à Berkeley, puis à l'université de San Diego à partir de 1974, il a alors exercé une grande influence sur les artistes de la côte Ouest, parmi lesquels Chris Burden. Allan Kaprow est l'auteur de plus d'une centaine d'articles, films et vidéos sur happenings et performances. Une anthologie en a été traduite en français sous le titre L'Art et la vie confondus (Centre Pompidou, 1996).