Mort d'Alice Thomas Ellis

Mort Alice Thomas Ellis, romancière anglaise Une romancière à l'ironie impitoyable. La romancière anglaise Alice Thomas Ellis, qui était aussi éditrice et éditorialiste pour The Spectator, est morte à Londres, mardi 8 mars, d'un cancer du poumon. Elle était âgée de 72 ans. C'était le Janus des lettres anglaises. Sous le nom d'Anna Haycraft, elle était l'épouse de l'éditeur Colin Haycraft et avait mené une carrière d'éditrice respectée au sein de leur maison commune, Gerald Duckworth & Co. Tout le Londres littéraire se souvient des fêtes brillantes données par le couple à leur domicile de Gloucester Crescent, où l'on pouvait croiser les auteurs découverts par Anna Haycraft, dont Beryl Bainbridge ou Penelope Fitzgerald. Mais c'est son côté intime et torturé - quoique toujours très drôle - que connaissait mieux le public français, grâce aux romans qu'elle signait de son nom de plume, Alice Thomas Ellis. LE MARIAGE ET L'ÉCRITURE Née à Liverpool le 9 septembre 1932, elle avait grandi à Bangor, au cœur d'un pays de Galles qui forme fréquemment la toile de fond de ses histoires. Revenue étudier à la Liverpool School of Art, elle se convertit au catholicisme à 19 ans - parce que, dit-elle, "il n'était plus possible de demeurer athée plus longtemps" - et décide d'entrer dans les ordres. Mais un problème de colonne vertébrale la fait exclure du couvent - "les nonnes détestent les maladies incurables". Elle "monte" alors à Londres où elle choisira deux formes de réclusion plus douces, le mariage et l'écriture. C'est en 1977 qu'Alice Thomas Ellis publie son premier roman, The Sin Eater, mais il faudra attendre une quinzaine d'années pour que ses livres paraissent en France. Après Les Habits neufs de Margaret et Les Ivresses de Madame Monro (tous deux en 1993), viendront notamment Les Egarements de Lili (1994), Les Oiseaux du ciel (1995), Un Rire inexplicable(1997), Un Réveillon mortel (1998) et Un rideau de flammes (1999), tous publiés aux éditions de L'Olivier et très finement traduits par Agnès Desarthe, pour la plupart. Dans la meilleure tradition des descendantes de Jane Austen - d'Elizabeth Taylor à Barbara Pym ou Anne Fine -, Alice Thomas Ellis avait repris à son compte quelques spécificités délicieuses du roman féminin britannique : l'économie de moyens, la lucidité, l'humour ravageur et plus qu'un zeste de méchanceté. Ce qu'elle passait à ce tamis : les vicissitudes de l'existence quotidienne, la famille, le couple ou la maternité - sur laquelle elle possédait des informations de première main puisqu'elle avait mis au monde sept enfants. Son dernier livre traduit, Un rideau de flammes, fournissait de beaux échantillons de son ironie impitoyable. Exemple, cet aphorisme : "Les hommes et les femmes sont des êtres incompatibles qui passent beaucoup trop de temps en compagnie les uns des autres." En 1990, avec The Inn at the End of the World, Alice Thomas Ellis avait gagné le Writers'Guild Best Fiction Award.