Mort d'Alfred Sirven
Mort Alfred Sirven disparaît avec ses secretsL'ancien homme à tout faire du groupe pétrolier Elf est mort samedi à l'âge de 77 ans.Alfred Sirven est mort samedi en fin d'après-midi, à la suite d'un malaise cardiaque à son domicile de Deauville (Calvados). Le décès a été constaté à l'hôpital de Caen, où il avait été transporté sans connaissance par les pompiers.Agé de 77 ans, récemment marié à son ancienne gouvernante et compagne de cavale aux Philippines, Vilma Medina, 44 ans, Sirven semblait avoir bon pied bon oeil. L'automne dernier, au cours du procès Elf en appel, il confiait toutefois être «moralement très fatigué» de devoir ressasser l'affaire. Condamné à cinq ans de prison ferme en première instance, libéré en mai 2004 après avoir été détenu pendant plus de trois ans, l'ex-homme à tout faire du groupe pétrolier part sans avoir livré tous les secrets de sa caisse noire.Avant de tirer sa révérence, Alfred Sirven avait tenu à «tuer quelques mythes» : l'homme capable de faire sauter vingt fois la République, «une invention de journaliste» ; le deus ex machina distribuant prébendes et valises, «un truc de bibliothèque de gare». Sur sa cagnotte de un milliard de francs, détournés de la plupart des contrats d'Elf, Sirven aura admis 40 millions de dépenses personnelles (château, villa, bijoux...), 20 millions pour financer sa fuite aux Philippines (entre 1997 et 2001); et concédé avoir arrosé des potentats africains : «Il y a en a de toutes sortes, numéro 2, 3 ou 4 du régime . A chaque passage à Paris, c'est un remake de "t'as pas cent balles ?".» Mais n'aura rien lâché sur le financement des politiques français.«Gaulliste de base», avec affinités particulières pour Charles Pasqua, Sirven s'est mis sans état d'âme au service du mitterrandiste Loïk Le Floch-Prigent (PDG de 1989 à 1993). «Même le Petit Chose sait qu'Elf est une source de financements annexes. C'est une société secrète, de droite. Ces gens-là n'allaient pas nous raconter leurs histoires.» En se taisant sur les bénéficiaires de ses largesses, Sirven prenait le risque de se voir reprocher d'avoir tout englouti à titre perso. L'accusation ne s'en est pas privée, le qualifiant, entre autres noms d'oiseau, de «pirate à l'abordage d'un navire de commerce». Le vieil Alfred semblait assumer parfaitement le rôle, à mi-chemin entre le bandit et le moine soldat. A l'image de son étonnant cursus personnel : résistant à 17 ans, engagé volontaire pendant la guerre de Corée, puis emprisonné au Japon pour une attaque de banque... A la barre d'un tribunal, la voix rocailleuse d'Alfred Sirven ne s'élève vraiment que lorsqu'on évoque ses pressions physiques sur certains protagonistes : «Je n'ai jamais été menaçant ou brutal. Il est temps que je me défende des horreurs colportées sur moi.»Après sa condamnation dans l'affaire Elf, on lui a retiré sa Légion d'honneur, mais pas sa croix de guerre. La première est donnée à tout type de «serviteur» de la République, et se perd en cas de poursuite pénale (relativement fréquente) ; la seconde ne se décerne qu'à titre militaire, pour toujours.La cour d'appel devait rendre sa décision le 31 mars, mais Alfred Sirven avait déjà statué : «Je suis coupable, j'ai admis.»