Mort d'Alexandre Iakovlev

Mort Alexandre Iakovlev, idéologue de la perestroïka et défenseur de la démocratie en Russie Idéologue de la perestroïka, Alexandre Iakovlev est mort, mardi 18 octobre, à Moscou. Il était âgé de 81 ans. Figure du mouvement réformateur de la fin des années 1980, il était resté un infatigable défenseur de la démocratie et de la liberté de la presse. Né le 2 décembre 1923, Alexandre Iakovlev commence sa carrière d'apparatchik comme fonctionnaire du parti, dans la région de Iaroslav, au nord de Moscou. Membre du département de la propagande de 1960 à 1973, c'est à lui qu'il revient d'expliquer, en août 1968, l'intervention du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. L'armée soviétique vient de réprimer violemment le printemps de Prague. La détente, ou "coexistence pacifique" entre les deux blocs, n'empêche le maintien du glacis soviétique. Plus tard, son audace vaudra à Alexandre Iakovlev la disgrâce : pour avoir critiqué le chauvinisme et l'antisémitisme latents en URSS, il est envoyé au Canada, en 1973, comme ambassadeur. Il n'en repartira que dix ans plus tard. Entre temps, il a fait la connaissance d'un certain Mikhaïl Gorbatchev, chef d'une délégation en visite à Ottawa. Il deviendra un allié et un inspirateur. En 1986, dans la foulée de l'arrivée au pouvoir de Gorbatchev, il entre au bureau politique, principale instance du Parti communiste de l'Union soviétique. Il devient très vite un des plus influents conseillers de Gorbatchev. Au côté d'Edouard Chevardnadze, alors ministre des affaires étrangères, il défend la glasnost, manifestation prudente de la liberté d'expression, et la perestroïka, la "restructuration". Celle-ci passe par une nouvelle organisation économique centrée sur la relance de l'investissement et la fin de la planification autoritaire. Mais Alexandre Iakovlev est conscient des résistances. Il adresse une lettre à Gorbatchev le mettant en garde contre les menées des conservateurs du Parti, trois mois avant le putsch d'août 1991. Après le retour de Gorbatchev, ce réformateur convaincu prend ses distances et démissionne, regrettant les concessions permanentes faites par le président de l'URSS aux communistes orthodoxes. Auteur de plusieurs ouvrages, Alexandre Iakovlev mettait en garde, dans Crépuscule, contre la corruption massive de la Russie actuelle qui produit une méfiance envers le pouvoir : "Si nous prétendons au nom de gouvernement démocratique, cela signifie qu'il faut délivrer l'homme de la position humiliante devant le fonctionnaire." En tant que père de la glasnost, Alexandre Iakovlev avait rassemblé les chefs des revues littéraires, scientifiques et politiques pour promouvoir "l'esprit réformateur" . A la tête de la commission pour la réhabilitation des victimes de la répression politique depuis 1992, il a encouragé les médias et le pouvoir à se pencher sur les crimes perpétrés sous Staline, à exiger l'accès libre aux archives, à accepter un devoir de repentance sur le passé de la Russie communiste. Membre de l'Académie des sciences de l'UNion soviétique depuis 1984, Alexandre Iakovlev avait été décoré en Pologne pour avoir contribué à révéler la vérité sur le massacre de Katyn, exécution de plus de vingt mille officiers et intellectuels en avril 1943. La propagande soviétique a longtemps attribué ce crime aux nazis, niant la culpabilité de la police politique de Staline. A l'annonce de la mort d'Alexandre Iakovlev, Mikhaïl Gorbatchev a reconnu "une perte pour tous ceux qui ont lié leur destin à la lutte pour la liberté, la démocratie".