Annonce Alerte européenne à la rage «L'heure tourne et on commence à se faire beaucoup de souci.» Quarante-huit heures après le déclenchement d'une «alerte nationale à la rage», relayé samedi à l'échelle européenne, le ministère de l'Agriculture ne dissimulait plus, hier, une sérieuse inquiétude. Malgré les dizaines de coups de fil recensés depuis la mise en place, vendredi, de sa cellule de crise, la Préfecture de Gironde restait en effet sans nouvelle de l'homme quadragénaire et du chien qui, selon les premiers éléments de l'enquête, se sont récemment fait mordre à Bordeaux par un chiot enragé. Un silence inquiétant, dans la mesure où seule une vaccination rapide peut désormais enrayer le déclenchement de cette maladie mortelle dans 100% des cas. Cette alerte sanitaire fait suite à la récente détection, par l'Institut Pasteur, du virus de la rage sur le cadavre de Tiki, femelle âgée de quatre mois, de taille moyenne, poil mi-long et couleur «marron abricot». L'animal, frauduleusement importé à partir d'Agadir (Maroc), est tombé malade le 18 août pour décéder, trois jours plus tard, au refuge SPA de Mérignac. Avant cela, il avait arpenté en compagnie de son maître, un Bordelais d'une vingtaine d'années, divers festivals artistiques organisés en Gironde (Hostens et Libourne), en Dordogne (Périgueux) et dans le Lot-et-Garonne (Miramont-de-Guyenne). «Dans ce contexte, relève-t-on à la Direction générale de la santé, l'animal semble avoir pu évoluer en semi-liberté et se trouver en contact avec de très nombreuses personnes.» Dès vendredi, le témoignage de son maître avait permis d'établir le profil de six personnes qui ont récemment côtoyé l'animal sur les quais de Bordeaux – dont un homme et un chien considérés comme «à haut risque de contamination» parce qu'ils ont été mordus. «Il s'agit d'un quadragénaire au crâne rasé qui effectuait des mouvements de gymnastique devant le restaurant l'Estacade le 18 ou 19 août dernier, ainsi que d'une chienne blanche de la corpulence d'un gros labrador qui se promenait, à la même période, sur les quais de la rive droite», décrit-on à la préfecture de Gironde. Un couple d'adultes franco-maghrébins, leurs deux enfants ainsi qu'une dame d'origine espagnole et sa fille sont également recherchés car ils ont pu caresser l'animal. Pour l'heure, aucune de ces personnes ne s'est manifestée. «A ce stade, explique-t-on à la Direction générale de l'alimentation, on s'inquiète en priorité pour l'homme mordu, qui risque de mourir s'il n'est pas vite pris en charge, ainsi que pour le chien qui pourrait bien infecter d'autres animaux dans les mois qui viennent.» Chez les mammifères, le virus peut en effet être transmis pendant les quinze jours qui précèdent l'apparition des signes cliniques, au terme d'une période d'incubation pouvant atteindre six mois. C'est dire le risque de laisser se développer en silence une chaîne de contamination chez l'animal. En attendant, sur les 128 personnes qui ont pris contact avec la cellule de crise depuis vendredi, 15 ont fait l'objet d'investigations épidémiologiques approfondies et 4 (dont un bébé de onze mois) ont été orientées vers le centre antirabique du CHU de Bordeaux. Comme le propriétaire du chiot, son amie et le vétérinaire qui a pris l'animal en charge, ces quatre personnes ont entamé hier un protocole de vaccination, qui doit s'étaler sur un mois entier. Par ailleurs, la Préfecture de Gironde a pris contact hier avec l'ensemble des médecins urgentistes et de garde, avant de sensibiliser dès ce matin l'ensemble des professionnels de santé. Samedi, la Commission de Bruxelles avait diffusé en urgence une alerte européenne soulignant que «le chien a été en contact avec des gens dans différents endroits qui attirent des touristes étrangers». Pour l'heure, le maître de Tiki n'est pas poursuivi. Mais il risque jusqu'à deux ans de prison et 15 000 euros d'amende pour importation frauduleuse d'un chien sans tatouage ni vaccin.