Mort d'Alberto Lattuada

Mort Alberto Lattuada, un cinéaste raffiné Le cinéaste italien Alberto Lattuada est mort le 3 juillet, à 90 ans, près de Rome. Né le 13 novembre 1914 à Milan, fils du compositeur d'opéra Felice Lattuada, il avait obtenu un diplôme d'architecte. Passionné par tous les arts, il avait fait partie d'une revue littéraire d'avant-garde lorsqu'il était lycéen, avait tenu la rubrique de cinéma d'un journal antifasciste, avait organisé des projections de films inédits en Italie (en particulier La Grande Illusion de Jean Renoir, interdit par les autorités) et avait fondé la Cinémathèque de Milan avec Luigi Comencini, qu'il avait côtoyé à l'Ecole polytechnique. Ses compétences littéraires le conduisent à cosigner le scénario d'un film de Mario Soldati (Piccolo mondo antico , 1941). Il signe sa première réalisation en 1942, Giaco mo l'idealista, une dénonciation de l'hypocrisie bourgeoise située dans les paysages de son enfance. Adaptant des romans et se préoccupant énormément de l'élégance de ses œuvres à une époque où triomphe le néoréalisme, Alberto Lattuada est accusé de faire du "calligraphisme". Auteur de drames historiques, mélodrames, films en costumes, drames sociaux, comédies, il cosigne en 1951 avec Federico Fellini Les Feux du music-hall, transpose à l'écran des auteurs italiens (dont D'Annunzio et Verga), mais aussi Gogol (Le Manteau, 1952), Pouchkine (La Tempête, 1958), Tchekhov (La Steppe, 1962), Boulgakov (Cœur de chien, 1976), et impose peu à peu sa "patte" : peinture ironique des petites gens, chroniques satiriques de la vie sexuelle. Ces études de mœurs, parfois morbides, souvent grivoises, lui valent quelques démêlés avec la censure. Cinéaste raffiné porté à s'indigner contre l'injustice et la solitude, Lattuada se polarise en fin de carrière sur l'érotisme. Pamphlet contre la médiocrité humaine (et adapté d'un roman de Pietro Chiara), Venez donc prendre le café chez nous (1970) est une chronique impitoyable de la vie de province et le portrait scabreux d'un homme antipathique, interprété par Ugo Tognazzi, mâle sans scrupules honorant sa femme, ses deux belles-sœurs, sa bonne... jusqu'à se retrouver infirme en fauteuil roulant. "OBSÉDÉ SEXUEL SAIN" Se définissant lui-même comme un "obsédé sexuel sain", il fait scandale par ses farces aigres, ses plaidoyers pour une sexualité d'"avant le péché originel" ou ses portraits de jeunes femmes dépourvues d'inhibitions (révélant quelques actrices sensuelles dont il traque les charmes indiscrets, Dalila Di Lazzaro dans Oh Seraf ina !, Teresa Ann Savoy dans La Bambina) . Dans La Fille (1978), il étudie les rapports entre un homme mûr et une jeune fille en fleur ; dans La Cigale (1980), la rivalité sexuelle entre une mère et sa fille. On lui doit aussi un thriller à la James Bond (Matchless, 1967), un film d'espionnage à la Pabst (Fraulein Doktor, 1968), situé pendant la première guerre mondiale.