Mort d'Alain Trutat

Mort Alain Trutat, un des fondateurs de France Culture Alain Trutat, un des fondateurs de France Culture est mort lundi 21 août à Paris. Il était âgé de 84 ans. Quand on demandait à Alain Trutat d'où venait son amour de la radio, il consentait parfois à répondre : "A un hasard d'enfant. A 12 ans, j'ai participé à un concours destiné à recruter de jeunes comédiens pour une émission de Paris Tour Eiffel. Chantant faux, mais lisant bien, j'ai été engagé"... Les choses sérieuses commencèrent cependant plus tard : à la sortie de la guerre - pendant laquelle il avait beaucoup appris auprès de Paulhan, Tardieu et Eluard, dont il fut un temps secrétaire -, quand il entra comme stagiaire à la Radio française. Dans l'élan de la Libération, il s'agissait de construire une radio au service de la nation. C'était exaltant, il avait 20 ans, il découvrait que la radio était un merveilleux outil au service de la culture. Toute sa vie est restée marquée par l'éblouissement de ces débuts. Il travailla avec Henri Dutilleux, puis Jean Lescure. Mais il refusait de n'être qu'un homme de bureau, il voulait être un homme de studio, parmi les micros et les bandes magnétiques. Réalisateur lui-même, on lui doit de nombreuses émissions. Quand il parlait du "son", il rappelait que la radio était à l'évidence, tel le cinéma, l'un des beaux-arts. En 1961, il créa l'Atelier de création radiophonique. Mais Alain Trutat ne concevait pas seulement la radio comme un studio d'essai réservé aux happy few. Il voulait qu'elle soit un lieu d'"agitation culturelle". C'est dans cet esprit qu'il l'installa au coeur du Festival d'Avignon. Au milieu des années 1960, les patrons charismatiques de la radio publique d'alors s'appellent Henri Barraud et Paul Gilson. Ils associent Alain Trutat à la réforme des programmes culturels. Il participe ainsi directement à la naissance de France Culture, en mesurant la chance, unique au monde, pour notre pays d'avoir avec France Musique deux programmes radiophoniques culturels, distincts et complémentaires. A France Culture, Alain Trutat resta fidèle jusqu'en 1997, jusqu'au jour où il décida de quitter son bureau encombré d'archives. Ce qu'il aimait à la radio, c'est bien sûr qu'"il n'y a rien à voir, tout à entendre". A la Maison de la radio, il venait écouter. Écouter les voix et les sons, écouter les poètes, les comédiens, les techniciens, les assistants, les jeunes inconnus rêvant de faire de la radio. D'une indépendance sourcilleuse, il a passé sa vie à fuir les honneurs et les premiers rangs. Peu enclin par nature à faire des concessions, Alain Trutat eut le mérite et la chance de n'avoir guère à en faire. Il ignora toujours que l'Audimat existait, et aucun directeur ne vint le lui rappeler. C'eût été déplacé.