Procès Acquittement d'une romancière turque poursuivie pour "insulte à l'identité nationale"Un tribunal d'Istanbul a acquitté, jeudi 21 septembre, la romancière turque Elif Shafak, poursuivie pour "insulte à l'identité nationale" dans un livre évoquant les massacres d'Arméniens sous l'empire ottoman.C'est pour manque de preuves que le juge a décidé d'acquitter – après seulement vingt minutes d'audience – cette auteure de best-sellers de 35 ans, poursuivie en vertu de l'article 301 du code pénal, qui sanctionne les insultes à l'identité nationale, et dont l'Union européenne réclame l'abrogation. Elif Shafak, qui a accouché le week-end dernier, n'était pas présente à l'audience, dont l'ouverture a été marquée par des incidents entre nationalistes et militants de gauche. "Je suis très heureuse de cette issue, mais seulement à titre personnel. Tant que l'article 301 restera en vigueur et interprété ou déformé comme c'est le cas, il y aura bien d'autres affaires similaires. Ce n'est pas la dernière", a-t-elle réagi après le verdict. L'écrivaine a par ailleurs dénoncé l'émergence en Turquie d'une "culture du lynchage" contre des opinions dissidentes. "'Ceux qui ne pensent pas comme nous coopèrent avec l'ennemi' : cette idée m'inquiète", a-t-elle ajouté.UN PROCÈS TEST POUR LA TURQUIESon procès était considéré comme un nouveau test de la situation des droits de l'homme et de la liberté d'expression en Turquie, pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne. A Bruxelles, la Commission européenne, qui doit publier le 8 novembre prochain son évaluation annuelle des progrès accomplis par Ankara sur la voie de son adhésion, s'est félicitée de l'acquittement de Mme Shafak, mais a souligné que le code pénal turc "constitue toujours une menace significative à l'égard de la liberté d'expression en Turquie". L'article 301 a déjà servi de base à l'ouverture de poursuites, finalement abandonnées, notamment contre le célèbre écrivain Orhan Pamuk. Personne n'a encore été emprisonné en raison de cet article, mais d'autres affaires sont en attente. Le ministre des affaires étrangères, Abdullah Gül, a récemment laissé entendre que l'article pourrait être modifié, mais aucun amendement sur le sujet ne figure dans le cadre d'une série de réformes actuellement débattues au Parlement . Dans son roman Le Père et le Bâtard, Elif Shafak met en scène des personnages de fiction arméniens qui font des remarques désobligeantes envers les Turcs et évoquent le génocide d'Arméniens commis par les Turcs sous l'empire ottoman durant la première guerre mondiale. Or, la Turquie nie catégoriquement que 1,5 million d'Arméniens ont alors été tués dans le cadre d'un génocide systématique.
