Démission Accusé de harcèlement sexuel, Ruud Lubbers démissionne Le Néerlandais Ruud Lubbers, âgé de 65 ans, a vu la fin de son mandat de haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR) ternie par des accusations de harcèlement sexuel qui l'ont forcé à démissionner, dimanche 20 février. Dans son pays, sa carrière politique avait été fulgurante : il était devenu le plus jeune premier ministre des Pays-Bas, en 1982, après avoir été son plus jeune ministre de l'économie.Le haut-commissaire des Nations unies aux réfugiés, Ruud Lubbers, accusé de harcèlement sexuel, a démissionné, dimanche 20 février, en se disant "insulté" par la manière dont l'affaire a été traitée par le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Deux jours après avoir affirmé qu'il se maintiendrait À son poste, M. Lubbers a publié une lettre de démission adressée à M. Annan, dans laquelle il laisse entendre qu'il a le sentiment que ce dernier l'a laissé tomber en opérant un brusque revirement. M. Lubbers, à la tête du HCR depuis début 2001, avait été accusé en mai 2004 par une Américaine de 51 ans employée au siège du HCR, à Genève, de gestes déplacés, fin 2003.Kofi Annan, après avoir demandé l'ouverture d'une enquête interne, avait estimé en juillet qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments pour donner suite à la plainte. Cependant, les Nations unies ont fait savoir, vendredi 18 février, après une rencontre prévue depuis longtemps entre MM. Annan et Lubbers, que l'affaire n'était pas close et que l'avenir de l'ancien premier ministre néerlandais à la tête du HCR n'était pas assuré.Dans un communiqué, M. Annan dit que la controverse rendait la position de Lubbers intenable en tant que haut-commissaire. Il le remercie pour son "dévouement" et son "engagement" et il se réjouit qu'il ait décidé de démissionner "dans l'intérêt du HCR". Il souligne qu'il avait suivi, l'été dernier, l'avis de juristes selon lesquels aucune preuve ne venait étayer les accusations formulées contre M. Lubbers. Mais il ajoute que "la poursuite de la controverse a rendu impossible la position du haut-commissaire"."INSULTE AJOUTÉE À L'INJURE" La rencontre, vendredi 18 février, entre MM. Lubbers et Annan, a coïncidé avec la publication, par le journal britannique The Independent, de détails sur les accusations portées contre le haut-commissaire. "Maintenant, au milieu d'une série de problèmes et avec l'actuelle pression médiatique, vous voyez apparemment les choses différemment", écrit M. Lubbers, qui a toujours protesté de son innocence, dans sa lettre à M. Annan."En dépit de toute ma loyauté, l'insulte s'est maintenant ajoutée à l'injure et je démissionne dès lors de [mon poste de] haut-commissaire." M. Lubbers a déclaré à la télévision néerlandaise qu'il démissionnait en partie pour lever la pression pesant sur M. Annan.A l'été 2004, le bureau des services de supervision de l'ONU avait estimé que les allégations de la plaignante et de trois autres membres féminins du personnel du HCR, qui s'étaient manifestées par la suite, paraissaient fondées a priori, et il avait recommandé des "actions appropriées". M. Annan avait rejeté ce rapport. Son porte-parole, Fred Eckhard, a déclaré que son patron "n'a pas dit qu'il n'y avait aucune preuve" mais qu'il avait "estimé que les allégations ne pouvaient être défendues sur une base légale".Selon d'autres détails du rapport, publiés par The Independent, des employées du HCR ont affirmé que les gestes de M. Lubbers étaient loin d'être innocents et certaines femmes ont refusé de porter plainte de crainte de représailles. Le premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende, démocrate-chrétien tout comme M. Lubbers, a regretté la démission de son compatriote, en notant que M. Annan avait classé l'affaire sur la base du rapport ressorti vendredi.M. Lubbers, qui est âgé de 65 ans, jouit d'une fortune personnelle et il a travaillé pour le HCR pour le salaire annuel symbolique de un dollar par an, offrant aux Nations unies les quelque 300 000 dollars qu'il aurait dû percevoir en salaire et indemnités de déplacement.UN HOMME DÉTERMINÉ Il avait essuyé deux échecs dans ses tentatives pour prendre la tête d'organisations internationales. Candidat malheureux à la présidence de la Commission européenne en 1994 puis au poste de secrétaire général de l'OTAN en 1995, il avait été nommé à la tête du HCR le 1er juillet 2001 en remplacement de la Japonaise Sadako Ogata.Pendant son mandat au HCR, il a notamment supervisé les programmes d'assistance aux réfugiés en Afrique de l'Ouest, en Angola et en Afghanistan. Dans ce dernier pays, le HCR a mené une de ses plus importantes opérations de rapatriement, aidant près de 2,5 millions de réfugiés et personnes déplacées à rentrer dans leur pays.Ses dernières tournées l'avaient mené en Afrique de l'Ouest (Guinée, Sierra Leone, Liberia, Côte d'Ivoire) et au Darfour, la province de l'ouest du Soudan en proie à une guerre civile. Il avait croisé le fer à plusieurs reprises avec l'Union européenne sur la question du droit d'asile, critiquant une directive adoptée au printemps 2004 par Bruxelles qui risquait selon lui de nuire à la protection des réfugiés. Il avait également tenté d'améliorer les finances du HCR, dont le budget annuel a atteint un milliard de dollars en 2004 mais qui se débat régulièrement pour trouver des fonds.
