Changement A partir de ce jour, patronyme et matronyme cohabitent au sein de la famille.Nom du père ou de la mère, aux parents de choisirC'est la fin du patronyme systématique. La loi sur la dévolution du nom de famille, adoptée le 4 mars 2002, modifiée le 10 juin 2003, entre enfin en vigueur aujourd'hui. Certains accouchements n'en finissent pas. Car cette réforme, portée par le mouvement familial progressiste et des féministes depuis les années 80, s'est heurtée à la résistance des tenants de la société patriarcale et à l'inertie de l'administration.Cette fois pourtant, c'est fait. Les enfants nés à compter du 1er janvier 2005 peuvent porter comme nom de famille le nom de leur mère, celui de leur père, ou les deux. Une déclaration conjointe des parents auprès de l'Etat civil est nécessaire. Si le double nom est choisi, l'enfant de Lucie Riffieux et Simon Doerfler pourra s'appeler Riffieux--Doerfler, ou l'inverse les deux tirets indiquant qu'il s'agit d'un double nom et pas d'un nom composé. Cette liberté de choix ne vaut qu'une fois : toute la fratrie devra porter le même nom. Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2005, la réforme s'applique, à condition que l'aîné ait eu moins de 13 ans le 1er septembre 2003.Pour le psychanalyste Michel Tort, auteur d'un rapport sur le nom du père commandé par Robert Badinter en 1983, cette réforme est un «changement symbolique considérable». Pour autant, les pratiques ne devraient pas connaître d'énormes bouleversements. Dans les autres pays où le choix est possible, le patronyme l'emporte. L'idée que «la mère donne la vie, le père donne le nom» est encore largement répandue dans les mentalités.Cette réforme colle pourtant davantage à l'époque. «Dans les familles recomposées, des sous-groupes de frères et soeurs peuvent maintenant se dégager», note l'anthropologue Valérie Freschet. En outre, la reconnaissance du matronyme comme nom de famille à part entière «met un terme à la honte et au tabou du bâtard rejeté», estime l'avocate Colette Auger, militante de la réforme.Pour autant, le texte serait allé plus loin si les sénateurs ne l'avaient pas raboté. Dans sa version 2002, il s'appliquait aux adultes qui n'avaient pas encore d'enfants. «Ce texte crée une inégalité entre les citoyens, une discrimination autour de l'âge», souligne l'avocate.Depuis des années, la Cour européenne des droits de l'homme, constatant une discrimination entre les sexes, demandait à la France de changer son système d'attribution des noms de famille. L'Italie et la Suisse s'accrochent, elles aussi, au patronyme. En Espagne, le nom de la mère peut être transmis à la génération suivante. En Norvège, Suède et Finlande, on peut même prendre un autre nom que celui des parents. Les citoyens norvégiens ont, en outre, la possibilité de revoir leur signature tous les dix ans. En France, on est loin d'une telle libération des identités. Mais une brèche est ouverte. Pour l'anthropologue Valérie Freschet, «c'est le tout début d'un long processus».
