Exposition A New York, une exposition Darwin riposte aux assauts des néo-créationnistes Parmi les spectateurs, il y a, bien sûr, quelques blasés. Cela fait au moins une minute que le petit Jack, 5 ans, observe les deux tortues géantes des Galapagos installées sous un chauffage électrique dans une vitrine. Elles pèsent 23 kg chacune, mais il n'est pas impressionné. "Elles sont drôlement moins rapides que la tortue qui est dans mon école", constate-t-il. Mais, dans l'ensemble, c'est la foule des grands jours. Le Museum d'histoire naturelle de New York a ouvert, samedi 19 novembre, "la plus grande exposition jamais réalisée" sur Charles Darwin. Dans le climat actuel d'affrontement entre créationnistes et darwinistes, cette initiative a été entourée d'une large publicité. Le 16 novembre, la soirée de gala, avec des personnalités aussi diverses que Caroline Kennedy ou Michael Eisner, l'ex-PDG de Walt Disney, s'est transformée en une manifestation de soutien à Darwin. Tom Brokaw, une figure de l'audiovisuel, a pris l'audience à partie : "Le moment est venu pour ceux d'entre nous qui s'intéressent à la science et à Darwin de prendre position", a-t-il dit. Les scientifiques ont longtemps fait mine d'ignorer l'offensive des néo-créationnistes, partisans de l'"Intelligent Design" — ce dessein intelligent d'un être supérieur, qui expliquerait l'incroyable complexité de la Nature —, pour ne pas faire de publicité à leurs thèses. Ils estiment maintenant qu'il vaut mieux réagir et éduquer. "Le vrai coupable est l'état épouvantablement bas de la culture et de l'enseignement scientifiques dans ce pays", a regretté la présidente du musée, Ellen Futter, en présentant l'exposition à la presse. Le conservateur de l'exposition, Niles Eldredge, essaie de mêler Darwin à la vie quotidienne. "Si nous ne connaissions pas l'évolution, nous ne nous inquiéterions pas d'une transmission à l'homme de la grippe aviaire", a-t-il expliqué. L'exposition fait clairement référence au débat actuel. On y aperçoit un Darwin qui n'avait pas prévu d'être un révolutionnaire mais un homme d'Eglise. Sur le Beagle, le navire de l'exploration qui va changer sa vie, il emporte en 1831 une bible et un pistolet, "deux accessoires typiques des Etats rouges" (républicains), relève le New Yorker dans sa critique de l'exposition. De retour à Londres, Darwin n'osera pas publier pendant vingt ans. De temps en temps, il parle à ses amis. Mais, même là, c'est comme "confesser un crime", écrit-il dans une lettre de 1844. L'exposition de New York a été préparée pendant trois ans. On y voit le télescope de Darwin, 33 insectes collectés de sa main, le dessin original de l'arbre des espèces. A en croire le New York Times, le souci de simplification l'a cependant un peu trop emporté. L'exposition "minimise les questions scientifiques sur la théorie", écrit le critique Edward Rothstein. Le musée aurait dû évoquer le fait que la thèse de Darwin a été sujette à modifications : on pense aujourd'hui, par exemple, que l'évolution ne se fait pas graduellement, comme le disait le savant, mais par à-coups. Selon le journal, il manque des exemples de "l'évolution de l'Evolution".