Annonce A Moscou, l'image écornée du plus beau métro du monde +Valentina ajuste ses lunettes, pose sur ses genoux le journal Metro qu'elle était en train de lire et cherche dans ses poches un mouchoir en papier. D'un geste brusque, elle l'enfonce légèrement dans les narines : «Vous voyez ce que ça me fait ?» Sur un blanc immaculé, des traces de poussière. «Et là encore, c'est rien ! L'hiver, j'attrape des maladies, les gens me toussent dessus quand ils passent.» A 59 ans, cette retraitée est en charge d'un photomaton dans les sous-sols de la station de métro Pouchkinskaïa, en plein centre de Moscou. Composition de l'air, niveau du bruit, état sanitaire des wagons et des stations : à la fin du mois de juin, un rapport rendu par une agence du ministère de la Santé montre que le plus beau métro du monde, visité chaque année par des milliers de touristes et lieu de rendez-vous privilégié des Moscovites, est sans doute aussi devenu le plus sale. Dans la plupart des stations, l'air est même dangereux pour la santé : les systèmes d'aération, qui n'ont pas été rénovés depuis les années 30, donnent sur les axes très encombrés du centre-ville. Ici, rares sont les voitures équipées de pots catalytiques. Résultat : en plus de la poussière, la concentration de bioxyde d'azote et de gaz carboniques dépasse de 1,2 à 1,4 fois la norme autorisée... Tatiana Alexandrovna travaille au pied d'un escalator de la station de métro Marxistskaïa, épinglée comme étant une des stations les plus bruyantes. «Bien sûr que c'est pénible, affirme cette grand-mère de 68 ans, qui, tout en se grattant l'oreille, se penche pour écouter. Je sais que c'est mauvais pour le système nerveux... en plus, l'atmosphère est humide, c'est étouffant, mais que voulez-vous y faire ?» Dans les wagons et sur la plateforme de la station, le niveau du bruit atteint 97 décibels. Le niveau recommandé par les experts est de 75. Un tiers des stations du métro moscovite dépassent cette limite, et pour se parler, les passagers sont obligés de se crier dessus. Un voyage quotidien de plus de trente minutes peut, à terme, occasionner des troubles auditifs. Retour à Pouchkinskaïa. C'est là que, depuis sa guérite, Tatiana Nicolaïevna surveille la sécurité des passagers sur les escalators d'une taille démesurée. Cette petite femme énergique ne se plaint de rien : «Que voulez-vous ?» lance-t-elle, gonflée de fierté d'être chargée de «la vie des usagers». «A Moscou, le métro est le moyen de transport le plus efficace. Les avantages sont plus nombreux que les inconvénients, alors il faut savoir les accepter !» En haut des escalators, à côté des lourdes portes à battants de la sortie, quatre femmes, dont deux à quatre pattes, astiquent le sol et les murs à l'aide de vieilles serpillières et de balais-brosses. Interrogée sur ses conditions de travail, l'une d'entre elles, en train de dépoussiérer un distributeur automatique de billets, répond, visiblement gênée : «Nous nous sommes habituées...» A quelques mètres de là, une affiche, visible dans la plupart des stations, représente une jeune femme en uniforme, parapluie à la main : «Dans le métro, il fait toujours beau...»