Annonce A leur tour, l'Arabie saoudite et la Russie enjoignent à Damas de quitter le Liban Après la Russie et l'Allemagne, l'Arabie saoudite a joint, jeudi, sa voix au concert des nations réclamant le retrait des 14 000 soldats syriens déployés au Liban. Le prince Abdallah a ainsi invité le président syrien, Bachar Al-Assad, venu le consulter en urgence à Riyad, à répondre à l'attente internationale en commençant à rapatrier ses troupes sans délai. L'héritier du trône saoudien a déclaré à Assad que "la Syrie [devait] commencer à se retirer rapidement, sans quoi les relations syro-saoudiennes [connaîtraient] des difficultés", selon un responsable saoudien. L'agence officielle syrienne SANA rapporte que leurs discussions "ont porté sur le prochain sommet de la Ligue arabe et la situation au Liban", et souligne que les deux hommes ont adopté des "positions identiques sur ce sujet". Réunis au Caire pour préparer le sommet du 22 mars à Alger, les ministres des affaires étrangères des pays membres de la Ligue arabe s'en sont, quant à eux, remis à la diplomatie bilatérale, faute d'une position commune. La campagne pour le départ syrien du Liban, conduite par Washington et Paris, qui ont fait voter en septembre 2004 par le Conseil de sécurité de l'ONU une résolution (1559) en ce sens, s'est accentuée récemment après l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. Une bonne partie de la rue libanaise impute le meurtre du dirigeant sunnite à Damas, qui dément toute implication. HARIRI ÉTAIT TRÈS LIÉ À RIYAD Hariri, qui a passé une vingtaine d'années en Arabie saoudite, où il avait amassé l'une des premières fortunes au monde, entretenait des rapports étroits avec la famille régnante et possédait la nationalité saoudienne. L'Arabie saoudite est d'autant plus concernée par la crise libanaise qu'elle avait accueilli en 1989 la conférence de Taëf, où le principe du retrait syrien par étapes avait été adopté. Les Syriens "savent ce qu'ils doivent faire. Ils doivent se retirer immédiatement. C'est ce que nous leur avons dit et c'est ce que le monde entier leur dit", a-t-on déclaré de source proche des autorités saoudiennes. La révolte de la population beyrouthine, qui manifeste quasi quotidiennement pour le retrait syrien, a déjà abouti à la démission du gouvernement prosyrien d'Omar Karamé et a été saluée par Washington comme une chance historique pour le Liban de renouer avec sa pleine souveraineté. MOSCOU SEMBLE LÂCHER DAMAS Après ses homologues américain et français, Condoleezza Rice et Michel Barnier, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s'est prononcé jeudi pour un retrait syrien. "Mais nous devons tous veiller à ce que ce retrait ne brise pas l'équilibre très fragile qui existe encore au Liban, qui est un pays très compliqué du point de vue ethnique", a-t-il souligné. La prise de position de la Russie, qui a souligné que la résolution 1559 de l'ONU devait être appliquée même si Moscou ne l'avait pas votée, est d'autant plus notable que les deux pays entretiennent des liens étroits depuis la guerre froide. La Russie a toujours considéré la Syrie comme un pôle de stabilité au Proche-Orient et avait accepté en janvier dernier, lors d'une visite du président Assad à Moscou, d'effacer une grande partie de la dette syrienne à son égard. En outre, le mois suivant, malgré les inquiétudes des Etats-Unis et d'Israël, la Russie a annoncé la vente à la Syrie de missiles sol-air, laissant entendre que d'autres contrats d'armement étaient envisagés entre les deux pays. NOUVELLES DÉCLARATIONS DE MM. SCHRÖDER ET STRAW A la pression russe est venue d'ajouter celle du chancelier allemand, Gerhard Schröder, qui a profité d'une visite au Yémen pour estimer que le recouvrement de la souveraineté libanaise passait par la "mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité réclamant un retrait syrien immédiat". Quant au chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, il a estimé vendredi sur la BBC que la Syrie serait traitée en "paria" par la communauté internationale si elle ne quittait pas le Liban. "Les Syriens ont un choix stratégique très clair. S'ils retirent leurs forces d'une manière sensée et rapide, ils feront leur retour" dans la communauté internationale, a affirmé le secrétaire au Foreign Office. "S'ils ne le font pas, ils seront traités en parias, non seulement par l'Occident, mais aussi par la plupart de leurs voisins arabes", a ajouté le ministre. La Syrie est militairement présente au Liban depuis le début de la guerre civile, il y a près de trente ans, même si ses effectifs ont été réduits lors de la fin du conflit, en 1990. Assad s'est engagé dans une interview publiée mardi par l'hebdomadaire américain Time à procéder à de nouveaux retraits d'ici à "quelques mois", mais sa promesse a été jugée trop vague par les Etats-Unis et leurs alliés, dont Israël.