Assassinat A Kiev, l'assassinat du journaliste Gongadzé rattrape Leonid Koutchma Les causes de la mort de l'ex-ministre de l'intérieur Kravtchenko, impliqué dans le meurtre du journaliste ukrainien en 2000, suscitent une polémique. Pour l'avocat de la famille Gongadzé, "ce qui vient de se passer tombe à pic  : un mort ne peut pas se défendre". L'ex-président rentre à Kiev samedi. Varsovie de notre correspondant La mort violente, vendredi 4 mars dans la matinée, de l'ancien ministre de l'intérieur, Iouri Kravtchenko, présenté comme un personnage-clé dans l'assassinat du journaliste Gueorgui Gongadzé en 2000, a relancé en Ukraine spéculations et interrogations sur l'issue de cette enquête, qui impliquerait de très hauts responsables du régime mis à bas par la "révolution orange" à la fin 2004. La police a confirmé la thèse du suicide de Iouri Kravtchenko retrouvé dans le garage de sa datcha de Kontcha Zaspa située dans les environs huppés de Kiev. "Il est mort après s'être tiré une balle dans la tête avec une arme enregistrée officiellement", a affirmé le vice-ministre de l'intérieur, Petro Koliada. Des témoins cités par Interfax-Ukraine ont précisé que le corps présentait "des traces d'une blessure par balle dans la tempe" et que l'ex-ministre, âgé de 53 ans, avait un pistolet à la main. Le nouveau président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, a chargé personnellement de l'enquête le chef de la police et le procureur général. Mais, dans le même temps, des médias locaux rapportaient que le corps de Iouri Kravtchenko présenterait deux traces de balles, contredisant ainsi la thèse officielle du suicide. La premier ministre, Ioulia Timochenko, a elle aussi laissé la place au doute. "Si Kravtchenko a mis fin à ses jours, cela signifie qu'il avait peur de la responsabilité d'actes en rapport avec le meurtre de Gongadzé. S'il ne s'agit pas d'un suicide, je pense qu'il s'agit d'une tentative visant à dissimuler des informations sur ce meurtre", a-t-elle déclaré à la presse. Iouri Kravtchenko devait être entendu, vendredi matin, par le parquet dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat du journaliste. Pour l'un des avocats de la famille Gongadzé, Andreï Fedour, "ce qui vient de se passer tombe à pic : un mort ne peut pas se défendre". Andreï Fedour redoute que cela aboutisse à fermer prématurément le dossier ; que Iouri Kravtchenko endosse, à titre posthume, toute la responsabilité de l'assassinat de Gueorgui Gongadzé ou qu'il ait emporté dans sa tombe des informations essentielles. "Il est sûr que la mort de Kravtchenko est un coup dur pour Iouchtchenko. Elle sert les hauts responsables du ministère de l'intérieur impliqués dans l'affaire et le président Koutchma", déclare à l'Agence France-Presse le politologue Olexandre Dergatchov. Proche de l'ancien président Leonid Koutchma, Iouri Kravtchenko était ministre de l'intérieur (1995-2001) au moment où le journaliste, connu pour ses enquêtes sur la corruption de l'Etat, avait été enlevé le 16 septembre 2000 par quatre policiers. Ces derniers l'avaient ensuite étranglé, selon les révélations récentes du procureur général. Le corps, calciné et décapité, avait été retrouvé deux mois plus tard. L'agence de presse russe, Interfax, rapporte que Iouri Kravtchenko a laissé un message dans lequel il affirme s'être donné la mort "à cause de Koutchma et de son entourage" et afin de protéger sa famille. Le nom de l'ancien président ukrainien était apparu dans cette affaire peu de temps après la disparition du journaliste. Un ancien officier de la garde présidentielle, aujourd'hui réfugié aux Etats-Unis, avait alors rendu publics des enregistrements audio dans lesquels on entend une voix - qu'il affirme être celle de l'ancien président - ordonner à Iouri Kravtchenko de "chasser -Gongadzé-, de le livrer aux Tchétchènes...". Leonid Koutchma a toujours démenti son implication et nié l'authenticité de ces enregistrements. Mais, durant son mandat, l'enquête avait été enterrée, malgré les pressions internationales. "LA CONSCIENCE TRANQUILLE" Vendredi, depuis son lieu de vacances en République tchèque, il a redit avoir "la conscience tranquille". Leonid Koutchma est attendu samedi à Kiev. Certains députés, dont le groupe communiste, ont demandé son arrestation. L'ancien président ne dispose d'aucune immunité. Cette question, évoquée avant la fin de son deuxième mandat, avait été écartée par l'ancienne opposition durant la confrontation avec l'ancien régime fin 2004. Des avocats font toutefois remarquer que les bandes audio sont irrecevables sur le plan juridique parce que réalisées illégalement. Le nouveau président, Viktor Iouchtchenko, n'échappe pas non plus aux critiques. Certains lui reprochent son empressement, en début de semaine, à déclarer "l'affaire résolue" avant même la clôture officielle de l'enquête judiciaire et le procès des assassins présumés. De même, vendredi, a-t-il rapidement estimé que la mort de Iouri Kravtchenko était lié à l'affaire Gongadzé. "Chacun a le choix, a-t-il déclaré. Soit coopérer avec le tribunal, le parquet, témoigner (...), défendre ses droits et son honneur. Il y a une seconde possibilité : se condamner soi-même." Le site d'information Ukrainska Pravda, créé par Gongadzé, se veut plus circonspect : "Nous ne devons pas oublier qu'il y a un long chemin à parcourir avant de faire toute la lumière sur l'assassinat."Restent en effet en suspens le mobile du crime et le nom du commanditaire. Christophe Châtelot Vladimir Poutine à Kiev samedi 19 mars Le président russe Vladimir Poutine se rendra à Kiev le 19 mars pour rencontrer le nouveau chef de l'Etat ukrainien, Viktor Iouchtchenko, a annoncé, vendredi 4 mars, l'ambassadeur russe en Ukraine, Viktor Tchernomyrdine. Il s'agira de la première visite de M. Poutine en Ukraine depuis l'accession au pouvoir du meneur de la "révolution orange", qui souhaite l'intégration de son pays dans l'OTAN et l'Union européenne. Le Kremlin avait soutenu ouvertement, lors de l'élection présidentielle de décembre 2004, le dauphin désigné de l'ancien président Koutchma, Viktor Ianoukovitch, déclaré vainqueur avant l'annulation du scrutin sous la pression des manifestants et des Occidentaux. M. Iouchtchenko s'était lui-même rendu à Moscou le 24 janvier. - (AFP.)