Annonce a Fête de la musique tient le coup. Sa vingt-quatrième édition va s'ouvrir en France et à l'étranger ce mardi 21 juin, pour se refermer aussitôt, puisque cette éphémère floraison de vocations musicales surfe sur une vision païenne de l'astronomie : le 21 juin, le solstice d'été, le jour le plus long, l'obscurité repoussée à sa portion congrue. Voilà donc un espace ouvert à toutes les libertés. Si elle reste sage en comparaison d'agapes ancestrales, la Fête de la musique demeure l'occasion d'occuper la rue. En dépit des podiums officiels, des festivals profitent de l'occasion, des lieux alternatifs se branchent dans la ville. A Paris comme en régions, chacun fait ce qui lui plaît, flâneurs et flâneuses d'un soir qu'on espère serein.Sur Internet : www.lafetedelamusique.culture.fr. Toulouse abrite Rio LocoA Toulouse, la fête de la musique n'est plus gratuite sur la rive gauche de la Garonne. Pour la troisième année consécutive, elle coïncide avec Rio Loco, un festival qui s'est établi depuis dix ans sur la prairie des Filtres, célébrant à la fois le fleuve et les musiques du monde. Mais ces pelouses, qui offrent une superbe vue sur les quais de la ville, sont pour le coup payantes - 5 euros. "La première fois qu'on s'est risqué à faire payer, en 2002, j'ai eu peur que le public ne vienne pas ou se mette à hurler", confie la directrice du festival, Christine Tillie. Mais tout s'est bien passé, et le jour du solstice d'été est devenu un peu la date pivot du festival.Il a fini par trouver son rythme de croisière, après plusieurs formules, plusieurs lieux autour du fleuve, changeant de date, pour se fixer sur la prairie à l'approche du 21 juin. Il a tenté l'aventure de la gratuité, pour finalement s'en tenir à ce prix que Christine Tillie qualifie de "populaire" . "Je ne suis pas d'accord avec la gratuité totale. Il en va du respect des professionnels qui travaillent sur le festival, mais aussi de l'argent du contribuable", plaide la directrice, qui reçoit chaque année de la ville une aide de 500 000 euros.De fait, les recettes payantes ne couvrent qu'à peine 10 % d'un budget de plus de 1 million d'euros. Même avec une entrée payante, les organisateurs constatent un certain nomadisme des visiteurs le 21 juin : beaucoup viennent se poser sur les pelouses pendant une petite heure, profitant des buvettes et restaurants de plein air installés sur le site, avant de repartir dans la ville.Cette année, Rio Loco profite de la Fête de la musique pour organiser sa soirée de clôture. Un véritable bouquet final pour cette édition dédiée au Brésil, avec une rencontre inédite entre un compositeur brésilien, Egberto Gismonti, à la fois guitariste et pianiste, et l'orchestre national du Capitole. A Nantes, l'esprit amateurUne grande foule bon enfant, un long piétinement dans le centre historique entre le château des ducs de Bretagne et la place Royale... Ainsi se vit la Fête de la musique pour beaucoup d'habitants de l'agglomération nantaise. Pour Jean-Louis Jossic, membre du groupe Tri Yann et conseiller municipal chargé du patrimoine, s'il existe une caractéristique nantaise à la Fête de la musique, c'est d'abord qu'elle se passe bien : "Il y a moins d'irresponsables qu'ailleurs et très peu d'incidents majeurs." L'autre spécificité nantaise tient à la volonté de respecter l'esprit d'un rassemblement dédié aux amateurs. Pas question d'édifier un grand podium et d'inviter des célébrités. L'action municipale se limite à orienter certains sites vers un type de musique, une volonté surtout dictée par les décibels des groupes de rock branchés aux terrasses de café. "Nous restons discrets, mais nous réservons des espaces, comme le square de Psalette, l'île de Versailles ou la place Royale, au chant choral, qui aurait du mal autrement à se faire entendre", précise Yannick Guin, l'adjoint à la culture.La préfecture se joint cette année à la fête, accueillant un big band de la commune voisine de Rezé, un quatuor à cordes des étudiants du Centre de formation à l'enseignement de la musique et de la danse (Cefedem), de la musique bretonne... "On va jouer avec les fenêtres de la préfecture, qui vont s'ouvrir et se fermer en fonction des apparitions musicales", confie Vincent Priou, directeur de Trempolino, association chargée de guider, d'animer... mais surtout pas d'organiser !D'organisation, les Nantais n'en ont guère besoin, attachés à leur capacité d'initiative. Les cafés-concerts comme Le Live Bar ou Le Flesselles respectent volontiers la gratuité et l'esprit amateur en accueillant des formations locales. A quelques écarts près, les installations impromptues du quartier du Bouffay appliquent la règle de la fin de la sonorisation à 1 heure.Pour essayer de compenser cette force d'attraction du centre-ville, Trempolino met en valeur les initiatives prises dans les quartiers, à l'image des cinq scènes mises en place par la maison de quartier de Doulon, à l'est, ou les Iles de Loire, à Saint-Sébastien. Marseille fête l'AfriqueA Marseille, l'événement de la Fête de la musique, c'est le retour en Europe d'Africa Fête, qui squatte pour une très longue soirée la Friche de la Belle de Mai. Lancée en 1978 à Paris par Mamadou Conté afin de faire connaître des jeunes talents, la fête avait ensuite parcouru les Etats-Unis avant d'émigrer au Sénégal, où le musicien malien, fidèle à sa volonté de créer une industrie musicale africaine, s'est installé. Africa Fête revient donc le 21 juin avec trois musiciens dans ses bagages. Diho, chanteur comorien de Mayotte et de Marseille, ouvrira la soirée. Lui succédera Dohet Gnahoré, bouillonnante chanteuse ivoirienne, qui a aussi posé ses valises dans la cité phocéenne. Tard dans la nuit, est annoncée une surprise, "un "spécial guest" arrivant du Sénégal, quelqu'un qui fait swinguer toute l'Afrique", glisse, énigmatique, Séverine Cappiello, de Système Friche Théâtre. Les "frichistes" inscrivent Africa Fête dans la continuité de leur travail depuis 2003 avec Cola Productions, référent pour l'Europe de Mamadou Conté.La soirée, gratuite, veut échapper à la "logique de consommation pure et dure" . Elle est placée sous le signe de la solidarité par l'association Tabalé (du nom du tambour bambara qui donne l'alerte), qui proclame que "l'Afrique a plus besoin de justice et de partenariats que d'aide" et refuse l'"afropessimisme". Lyon favorise les thèmesDes tambours du monde venus du Congo, du Brésil et du Japon devant l'hôtel de ville ; du métal et de l'électro à la Sucrière, ancien entrepôt des quais de Saône ; du jazz dans le jardin des Chartreux, à la Croix-Rousse ; une chorale révolutionnaire dans la cour des Voraces (place Colbert), haut lieu de la révolte des Canuts ; du rock sur les quais du Rhône, "des happenings unplugged" sur une île : à Lyon, la Fête de la musique se décline en scènes thématiques, à travers toute la ville.Pas de groupes connus, pas de grosses machines, la municipalité socialiste tente de renouer, elle aussi, avec l'esprit initial de la fête. Pour le public, les transports en commun seront gratuits à partir de 16 heures. Pour les musiciens amateurs et les semi-pros, la ville propose des moyens techniques pour jouer dans de bonnes conditions, avec un brin d'audace. Une trentaine de scènes équipées ont été confiées à des MJC, des associations, des mairies d'arrondissement... L'une des opérations intéressantes est attendue dans le 3e : "La Guillotière des mondes de musiques" propose une balade pour découvrir la richesse musicale du plus cosmopolite des quartiers de Lyon, avec des chants tchèques, arméniens ou berbères, des danses kurdes et grecques, des mélodies chinoises et syriennes. Ailleurs, la place de la Croix-Rousse doit accueillir "musique, recyclage et environnement", avec notamment une fanfare d'instruments fabriqués avec des matériaux de récupération. Lille éclate les lieuxDes grands rassemblements, Lille en a géré de nombreux en 2004, lorsqu'elle était capitale européenne de la culture. Pour la Fête de la musique, ils sont éclatés en une quinzaine de lieux, imposés par les habitudes au fil des ans. Les maisons-folies créées à l'occasion de Lille 2004 ne viendront pas les perturber. Seule celle de Wazemmes sera de la fête, avec une dizaine de groupes programmés autour d'elle.La spontanéité des années 1980 n'est plus qu'un souvenir. A l'époque, les individus et les groupes investissaient les lieux de manière anarchique. "Aujourd'hui, observe Pascal Mullié, musicien et président d'une association de quartier, il est de plus en plus difficile de s'installer où l'on veut (à l'instar de la Grand-Place) pour des raisons de sécurité." L'installation de grosses structures avec podium contribue aussi à altérer cette ambiance inorganisée. "Mais, sur le fond, modère Pascal Mullié, l'essentiel est sauvegardé. En marge des lieux spécifiques, rien n'empêche les gens de s'installer avec une gratte ou une trompette et de s'en donner à coeur joie. La guerre des décibels et l'esprit pagaille sont toujours de la partie." A la mairie de Lille, on confirme. "La philosophie de base demeure. Il n'y a pas de tête d'affiche. La Fête de la musique reste un révélateur de pratiques amateurs." La rue de Béthune, dans le secteur piétonnier, peut en témoigner. Le groupe Carte Vermeil, qui se qualifie abusivement de "rock'agénaire", s'apprête à y faire ses "premiers adieux" après vingt ans de passion. Il les fera précisément sur un podium imposant.
