Accuser 180 sociétés françaises sont accusées d'avoir enrichi Saddam HusseinRenault VI, Peugeot, et près de 180 autres entreprises implantées en France sont accusées par la commission Volcker d'avoir, sciemment ou non, versé des dizaines de millions de dollars de dessous-de- table au régime de Saddam Hussein, en violation de l'embargo international qui frappait l'Irak avant la guerre de 2003. Selon des documents obtenus par les enquêteurs, dans le cadre du programme "Pétrole contre nourriture", l'entreprise Renault VI (Renault véhicules industriels, devenu Renault Trucks, désormais une filiale de Volvo Group) aurait à elle seule payé plus de 6,5 millions de dollars de pots-de-vin. Le constructeur Peugeot est de son côté soupçonné d'avoir illégalement versé près de 7 millions de dollars.Le programme humanitaire avait été mis en place en 1996, pour atténuer les sanctions. Il permettait à l'Irak de vendre du brut dont l'argent, contrôlé par l'ONU, servait à acheter des biens de première nécessité. Très vite, Saddam Hussein en a fait un outil de contournement de l'embargo. A partir de 1999, le régime a illégalement perçu de ses fournisseurs une taxe censée payer le transport des marchandises depuis le port d'Oum Qasr, dans le Golfe. En 2000, s'est ajoutée une prétendue "taxe de service après-vente" de 10 % du montant des contrats, souvent versée en liquide, sur des comptes en Jordanie, ou au Liban, ou auprès de sociétés de transport écrans.Beaucoup d'entreprises françaises ont payé. Selon les documents de la commission de Paul Volcker, chargée par l'ONU de faire la lumière sur l'affaire, Renault VI a obtenu 39 contrats d'une valeur de plus de 167 millions de dollars. Ils portaient sur la vente de véhicules industriels, de camions réfrigérés, de camions de pompiers, de camions-citernes, de bennes à ordures, de pièces détachées de tracteurs... Plus de la moitié de ces contrats, portant sur près de 78 millions de dollars, auraient fait l'objet de paiements illicites d'un total d'environ 7 millions de dollars. Renault aurait aussi payé des "taxes de transport intérieur" , d'un montant non spécifié. Les enquêteurs disent avoir saisi des preuves précises, dont certaines sont des données financières des ministères irakiens.AMBULANCES ET MINIBUSDe son côté, le constructeur Peugeot aurait au total obtenu 14 contrats, d'une valeur de 169 millions de dollars environ, pour des ambulances, des voitures, des minibus, des remorqueuses et des pièces détachées. Quatre de ces contrats, d'un montant de plus de 77 millions de dollars, auraient, selon le rapport, fait l'objet de 7 millions de dollars de dessous-de- table. Dans ce cas précis, les montants des pots-de-vin ont été "estimés" par les enquêteurs à partir d'éléments généraux, attestant de la "politique uniforme du gouvernement irakien, qui était de réclamer des pots-de-vin à certaines périodes" .Au cours de dix-neuf mois d'investigation, les enquêteurs ont eu accès à de nombreuses sources d'information onusiennes, commerciales, bancaires ou nationales (Paul Volcker a salué la coopération des autorités françaises). Selon eux, ces sources se recoupent souvent. La commission admet toutefois que rien ne prouve que les entreprises mises en cause aient approuvé les paiements illicites ou en aient eu connaissance. "Beaucoup d'entreprises ont librement accepté les demandes irakiennes. D'autres ont fait des paiements à de tierces parties ou à des intermédiaires, tout en ne tenant pas compte de l'objectif probable de ces pa iements, ou peut- être involontairement ", indique le rapport, publié le 27 octobre.Toutes les entreprises mises en cause ont été contactées par la commission et ont été invitées à se défendre. La plupart ont choisi de ne pas répondre. Ce fut le cas, selon le rapport, de Renault VI et Peugeot comme de beaucoup d'autres, parmi lesquelles figurent Irrifrance, qui a fourni du matériel d'irrigation et aurait versé près de 3 millions de dollars de pots-de-vin, Franco pétrochimique, qui aurait vendu des pièces pour l'industrie pétrolière, en payant au passage plus d'un million de dollars, Air Liquide Engineering, qui aurait versé 34 272 dollars, Pierre Fabre santé, qui aurait payé 15 895 dollars, Saint-Gobain des Jonquères, qui aurait versé 151 184 dollars, ou Sides, qui aurait payé 497 193 dollars.D'autres ont répondu et sont classées dans la catégorie des entreprises qui ont admis que des paiements auraient pu être effectués, mais pensaient qu'ils étaient légitimes. C'est le cas, selon le rapport, d'Urgo laboratoires, 238 643 dollars sur des ventes de bandages. Gerflor Taraflex, accusée d'avoir payé 12 930 dollars de dessous-de-table ou Francexpa, qui aurait vendu du lait pour bébés et versé 9 109 dollars, ont répondu aux enquêteurs, mais sans prendre de position ou en demandant que leur réponse demeure confidentielle. Il ne s'agit là que d'un échantillon, puisé parmi les 180 entreprises implantées en France et accusées d'avoir illégalement enrichi Saddam Hussein.
